Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 13 décembre 2014

Psychanalyse has been ?

"Has been, c'est mieux que never been, quand même !"avait coutume de plaisanter un de mes patients...
Has been la psychanalsye ?

Dépassée ; La psychanalyse ?


Je ne sais pas si la psychanalyse est dépassée, c'est à dire comme je l'entends plus "à la mode", car il y a des modes  comme ces "thérapies à deux balles" qui sévissent en promettant monts et merveilles. Comme si on allait guérir en un claquement de doigt. Je ne sais pas si comme "on" le dit elle est dépassée. Mais ce "on" le dit depuis longtemps. Tellement longtemps.

Et la psychanalyse est toujours là, au rendez-vous de ceux qui espèrent connaitre, comprendre, et pour cela acceptent d'aller à la rencontre d'eux mêmes. Qui se donnent ce curieux rendez-vous, ce moment singulier où...
Où.
Où, justement pour marquer le lieu, l'endroit et l'espace où a lieu cette rencontre
Car la psychanalyse n'est pas un concept abstrait, une idée, une vue de l'esprit. Elle est, permet, propose.
Alors ? Elle a toujours fait et continue de faire couler beaucoup d'encre, ceux de ses adorateurs, de ses détracteurs... Des extrêmes souvent les débats qu'elle suscite sont le plus souvent passionnés on aime, on adore, on déteste, on hait aussi ! La psychanalyse n'est pas une science, n'est pas évaluable, n'est pas ci pas cela.
Mais elle est.
Ce sont la plupart du temps les psychanalystes eux mêmes qui la maltraitent, la mettent en péril en se conduisant comme des gourous, maintenant pour certains les analysants fragiles sous emprise , mais ils ne sont pas les seuls hélas. Ce sont ces mêmes qui la rendent ridicule par leur langage abscons, hermétique, fermés qu'ils comprennent eux mêmes à peine. Leurs congrès, séminaires, ressemblent parfois à des meetings politiques, orateurs agités, allumés, haranguant une foule qui attend la bonne parole et se rassemble autour d'un messie providentiel. Buvant, avalant, ingurgitant une bouillie infâme et indigeste, mais une fois encore ils ne sont pas les seuls !
Les meilleurs amis sont parfois les meilleurs ennemis quand on ne sait pas raison garder.
Comme partout, il faut savoir trouver et surtout sauve- garder la juste mesure ; infiniment complexe et compliqué !
La psychanalyse est décriée, elle ne sert à rien, n'est réservé qu'à ceux qui ont les moyens de se l'offrir.
Le verbe est juste, offrir, on s'offre. On se fait ce cadeau, celui de ce parcours. Pourquoi pas ?
Elle est un verbiage, une dentelle verbale, on brode, on tricote et on assemble. On toujours mais qui est ce on ? Qui est cet autre on ? Ce je ? et surtout que veut-il ? Que me veut-il ? Et qu'est ce que mon Je lui veut... A ce on ?
Des questions, des pistes, des images, des représentations, des rêves et des liens, tout ça dans l'ordre, dans le désordre, ça secoue, ça ébranle, ça interpelle ça convoque, ça bouge, ça remue, ça...
Ca prend du temps, aussi, un peu, beaucoup de temps parfois
C'est long à ce qu'"on dit une psychanalyse ? Long... Pas forcément, pas toujours.
Une thérapie n'est pas éclair non plus, même les cognitivistes révisent leur position et parlent de deux ans, nous sommes loin des trois mois promis pour faire de vous un autre homme ou une autre femme sûre d'elle ! Nous ne polémiquerons pas, nous soulignerons, stabiloterons seulement !
Mais il faut que ça aille vite, alors on invente, on bricole des méthodes, des formations tout aussi éclair que le résultat qu'elles sont sensées apporter.
Il faut être sérieux ni la méthode Coué ni celle qui consiste en des mouvements oculaires ni toutes ces autres new-âgeries pour reprendre le terme d'un de mes vieux professeurs n'ont révolutionné la Santé Mentale et ont apaisé les souffrances ! Cela se saurait, malgré la propagande et la publicité douteuses dont ces méthodes s'entourent.
Venez, venez, sans rien faire ou presque vous irez mieux. En TCC, il faut mouiller sa chemise, sortir affronter en live ses pires cauchemars, mettre le nez sur l'araignée ou toutes autres bestioles responsables de la peur, terreur ou de l'effroi ressenti par le sujet, qui à la lumière de cette expérience s'il lui reste un peu d'esprit nommera ses "impressions" car cognitives elles sont aussi actives les thérapies. Vous serez guéris de vos phobies, énurésie, insomnies.
Vous serez guéris !
Qui résisterait à ce chant des Sirènes
Guéris, guérison...  En effet. Guérir et ne plus souffrir
La psychanalyse, elle ne parle pas de guérison, car on ne guérit pas de soi même, nous ne sommes pas une maladie il me semble, mais on peut en souffrir. On peut souffrir de cette maladie, de ces mots non dits, mais mis en maux. Le symptôme ne s'éradique pas, ne se musèle pas, mais s'écoute. La psychanalyse lui offre, lui propose cet espace. Cet espace où il peut être dit, en mots ou silences.
Espace ; Lieu singulier d'une écoute particulière, celle où les maux se mettent en mots, se disent autrement, mais se disent. L'un et l'autre, l'autre et l'un mais n'est pas..
La psychanalyse permet d'Etre ce "eSt" avec un S qui change tout. Qui sépare, ce S séparateur, qui coupe, qui délie et sort le sujet de l'indifférenciation. Il est. Un, unique, singulier. C'est cette singularité là que lui offre la psychanalyse, cette manière d'être qu'elle lui permet. Etre sujet, un peu acteur de sa vie également, au passage ce n'est pas négligeable, au contraire, c'est un bonus, recouvrer cette liberté d'être et de faire, d'agir en tant que Je, sujet Je. Je suis : Moi et pas un autre, Je suis celui que je veux être et pas celui que les autres veulent que je sois. Je suis.
Etre ! Advenir à soi même n'Etre que ça, naitre encore, Re naitre à soi même ?
Alors je ne sais pas si la psychanalyse est dépassée, mais elle permet ce dépassement là, celui du désir, du désir de l'autre pour soi.
Elle permet alors le Désir.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.


mardi 25 novembre 2014

LE victime

Le : Article défini masculin
Victime : nom commun féminin singulier.
Le n'est pas l'article qui convient, puisqu'il introduit un nom masculin. On doit donc dire LA victime pour être grammaticalement correct. Pourquoi cette féminisation ?
Le français est une langue binaire, dichotomique, le nom est soit masculin, soit féminin, il n'y a pas de neutre, ni rosa, dominus, templum, ni de der die das. Il y a le ou la, un ou une.
Alors la table est féminine, la cuisine, la merde aussi, le tabouret, le sexe, le sujet... Sont masculins
Puis ce l'... l'article.. article contracté. Contracté de quoi ? De qui ?
Ainsi on dit une victime. Sauf qu'il y a aussi un victime

Et c'est de ce UN, ce LE dont-il est question ici.

Les violences conjugales parlent de femmes battues, mais les hommes le sont aussi, sauf qu'on en parle moins ou pas. Un homme n'est pas battu, dans l'imaginaire collectif, il bat, il frappe, il est méchant, cruel. Il bat sa femme, bien sûr, mais aussi ses enfants, le droit de l'Ancien Régime l'y encourageait si le châtiment était mérité. Seul le Pater Familias était en capacité de l'apprécier.
Aujourd'hui... Le droit a évolué, dans les textes, mais pas forcément dans les mentalités.
Mais l'homme victime de maltraitance, manipulation, violence, viol, agression par une agresseuse... Existe, nous l'avons tous rencontré, au moins une fois.
Difficile pour un homme de se rendre au commissariat, aux Urgences d'un hôpital pour déposer une plainte, faire constater les bleus, les coups, les blessures que sa compagne lui a porté.
Des hommes victimes ! Le victime.
Combien d'hommes se font agresser ? Combien d'hommes sont victimes d'accusations perverses ? De mensonges qui les trainent dans la boue et en prison ?
Ainsi X dont l'enfant de trois ans déclare que son papa a des gestes déplacés... Du moins c'est sa mère qui le dit, le soutient, l'accuse. L'enfant lui ne sait rien, ne comprend pas... Mais il dit que maman a dit que. Car maman n'aime pas quand son papa vient le chercher... Alors .
Combien de dépositions,  d'accusations en ce sens ? Pas vraies, fausses, mensongères, qui mettent KO le victime, qui jamais n'a eu un geste... déplacé. Qui ne comprend pas. Qui est anéanti.
Combien ?
On n'en parle pas, ou peu, c'est grotesque, ridicule, c'est une atteinte à la virilité, un mec ne pleure pas, c'est fort, ça donne des coups, ça fait la guerre. Sauf que les femmes aussi font la guerre maintenant, elles peuvent aussi s'avérer violentes, tueuses, agressives et donner des coups. La pulsion est féminine ? La.
Mais nous sommes plongés dans un monde de stéréotypes où l'enfant est mieux avec sa mère, un père ne sait pas puisqu'il n'a pas l'instinct maternel... Instinct qui n'existe pas davantage chez la femme. Madame Badinter l'ayant brillamment démontré.
Mais c'est ainsi.
Il n'est nullement question de discuter ici de la théorie des genres, masculin/féminin, l'un n'est pas l'autre, et l'autre n'est pas l'un . En revanche, l'un et l'autre sont essentiels. Encore une question de grammaire. Et conjonction de coordination. De liaison.
Les violences faites aux femmes, il y en a. Hélas, trop ! De toutes les manières, de toutes les façons, de la différence de salaire aux coups reçus, des regards aux violences sexuelles, du dénigrement aux mots insultants et humiliants aux blagues de mauvais goût...La liste n'est pas exhaustive
Mais les hommes ne sont pas en reste, non plus, hélas, car la violence est le propre du Sujet Humain, de l'Homme mâle et femelle, la violence est le propre de l'Humanité qui n'est jamais sortie de l'inhumanité et le prouve à chaque instant.
Mots et maux, coups et paroles, tout est bon pour faire mal et ce qui ne te détruit pas te rend plus fort à ce qu'il parait, à moins que ça ne te fasse mourir. Que ça ne te tue.
LE victime. LA victime. Des coups et de la connerie de l'autre, son semblable mais pas son même. Mais de quel même s'agit-il ? Que ferions nous de la mêmeté ?
Intéressante question. Voir son reflet dans la glace ou dans l'autre est-il rassurant ? Y voir ses défauts est-il angoissant ?
Homme, femme, enfant. Violence ?
Faut-il cliver ? Y a t-il des violences pires que d'autres ? Le Mal a t-il un genre ? Le Mal a t-il un sexe ? Le Mal se décline t-il au masculin ? Au féminin ? Au pluriel ? Au singulier ?
Dans tous les cas, quelles que soient les réponses, nous ne pouvons devant le Mal rester Neutres.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne

In aperçu


vendredi 14 novembre 2014

Superwoman ?

Vica est une femme moderne, une "superwoman" dit-elle pour se définir. Pourtant elle n'est pas heureuse :
-"Voyez-vous je ne fais pas ce que j'aurai aimé faire, mon métier ne me plait pas."
Vica est une scientifique, elle déteste la science, les sciences, la Recherche, les recherches. Elle déteste tout ça pourtant c'est son métier, celui qu'elle a choisi.
Qu'elle a choisi ?
- "Choisi ? Je l'ai cru longtemps, mais au fur et à mesure de l'analyse, non, je ne l'ai pas choisi, j'ai seulement choisi de faire plaisir à mes parents, car j'aime mes parents, ils sont morts, mais vous voyez, je n'arrive pas à en parler au passé... "
Je vois et surtout j'entends.
Ses parents, elle en parle, souvent, toujours, elle en pleure "les meilleurs êtres au monde", "les plus belles personnes" "Papa, maman, je préférai papa je crois, maman était différente, elle a tout abandonné pour la carrière de papa, elle était douée pourtant, elle faisait de la peinture, du dessin, de la musique"
Et Vica de pleurer sur ce passé qui n'est pas le sien car souligne t-elle "je n'étais pas née"
Faire plaisir à ce couple dont elle n'a été que le seul enfant. La Fille a qui ils ont tout donné, puis qui elle, la fille, puis elle la femme à tout donné. En retour ?
Pourtant Vica a rencontré un homme, un seul, "'c'est comme ça, je n'aurai pu en connaitre plusieurs qu'auraient dit mes parents ?"
Parents, encore !
Un homme qu'elle a aimé : "'mais qui lui ne l'a pas aimée comme son père l'a fait" d'ailleurs il ne lui arrivait pas à la cheville, qui aurait pu rivaliser, égaler cet homme, parfait, la perfection incarnée, bon, savant, qui se donnait corps et âme à son métier. Papa était un être merveilleux, le meilleur du monde" ajoute t-elle en pleurant... Encore !
Mais se donnait-il à sa famille ?
Vica n'en dit rien
Elle dit simplement et seulement que pour ce père adoré, elle a remballé ses rêves, ses envies de bohème pour la science et les sciences
Remiser ce féminin pour ce masculin : " Maman ne faisait rien elle attendait papa en lisant, dessinant, jouant du piano.."
Pénélope tissant, femme patiente, femme en attente. Femme ?

Papa, Maman, des mots de petite fille dans la bouche d'une femme ; Devenue elle aussi une maman


Vica n'aime pas ce qu'elle fait, elle n'est pas heureuse, elle n'aime plus sa vie, ni privée ni professionnelle, alors elle rêve de théâtre, de tapis rouge, de cinéma, elle s'identifie, tantôt à Bérénice, parfois à Phèdre ou à un personnage kleistien. Il faut qu'il y ait du ratage, du manque et de la souffrance. Elle aimerait jouer, jouer à celui qui joue, qui tient le rôle. Elle aimerait pleurer, souffrir, mourir sur scène, se déchirer.

"Vous connaissez la chanson : j'aurai aimé être un artiste ? Et bien c'est tout moi ça, c'est tout moi"
Alors Vica se fait son cinéma. Elle s'invente une autre vie. Une vie de bohème, de littérature, de livres, de films, de théâtre, de chansons, de poésie, de douceur, d'écriture. Elle descend l'escalier, foule le tapis rouge. Que d'émotions, que de sensations. Elle se voit sous les ors, drapée dans une robe de princesse somptueuse, applaudie et photographiée. Faire la Une des magazines ?

Puis elle se réveille et elle pleure, elle pleure sur ce rêve qui n'est pas, sur ce masque qui tombe et la plonge dans une réalité qu'elle n'aime pas.
Une vie ! Sa vie, son quotidien, banal, dans la grisaille d'une ville de banlieue, où chaque matin en récitant des vers elle brave les embouteillage pour faire un travail qu'elle n'aime pas.
"Arbeit, c'est comme ça que vous dites en allemand, c'est dur, arbeit, mais ça colle bien avec ce que je fais, mais il me fait mal, me rend mal, me ronge, me bouffe, me tue...."
Silence.........
"En réalité je suis une esclave, celle de ce travail"
Silence...........
"C'est comme mon mari, ce travail, je ne peux pas le quitter"
Silence....
Larmes....
"Je ne suis pas libre................"
.....................................................
Silence.
 Libre, mais quelle liberté ? De quelle liberté s'agit-il ?
La liberté de la fidélité, la limite de celle ci ? La liberté de s'envoler, de devenir et d'advenir ?

Brigitte Dusch. Psychanalyste, historienne

mardi 11 novembre 2014

11 novembre 1914

100 ans.
Centenaire.
Cent ans après, 100 ans avant ?
Mais ce 11 novembre 1914. Que se passe t-il ?
Que font ces hommes arrachés à leur foyer depuis à peine trois mois. A quoi pensent-ils ? Que vivent-ils ? Que disent-ils ?  Ces hommes qui n'ont pas encore conscience de la durée et de la tragédie de cette guerre ?
Que dire de ce jour, banal, comme les autres, ce jour de guerre. En 1914.
Le 11 novembre 1914, Antoine, une jeune soldat écrivait à sa soeur qu'il partait sur le front, que la vie militaire ce "n'était pas le rêve" et qu'il espérait la revoir bientôt. J'ignore si ce fut le cas.
Une lettre, banale elle aussi, un moment de répit pour mettre des mots sur ce Mal qu'est la guerre, pour dire à ses proches. Mais dire quoi ?
Et cet autre, qui se plaint de ne pas recevoir de lettre de "ses vieux" qui pourtant réclament des nouvelles mais n'écrivent point.
Armand jeune appelé aspire à être bientôt libéré, quand la guerre sera finie. Bientôt assure t-il. Ou se rassure t-il.
"Les premiers froids arrivent après la pluie d'octobre, mais ne t'inquiète pas je serai bientôt de retour ma Jeanne, j'ai hâte de vous serrer dans mes bras, toi et les enfants"
"Nous partons vers les Vosges. Il va faire froid mais ne t'en fais pas" explique Gaston à son épouse.
" J'espère revenir bien vite, vous me manquez les enfants et toi."
Le 11 novembre 1914. "Revenir bien vite".
Ils sont loin du compte, et du conte, et de tous ces comptes qui ne seront jamais vraiment soldés.
Nous pourrions suivre au jour le jour en dépouillant les journaux militaires de opérations ces soldats, appelés, officiers partis dans la Tourmente, ceux vivants, morts ou déjà blessés, mais souvent meurtris par cet exil forcé.

Le 11 septembre, Joffre envoie un message au ministre de la Guerre : « La bataille de la Marne s'achève en victoire incontestable. »


Certes... Mais encore !
Une victoire ? Une fin ?
Qu'en est-il alors de l'espoir, de l'attente de ces hommes loin de chez eux. Jetés sur les sentiers boueux de France pour empêcher un ennemi, un homme tout comme eux, jeté lui aussi sur ces chemins inconnus pour se battre, défendre un pays, sans vraiment savoir pourquoi, sans vraiment connaitre les réels enjeux, d'un combat qui n'a pour intérêt que de protéger ceux des riches et des nantis.
Chair à canon. De part et d'autre des tranchées et des frontières. Hommes jetés en pâtures sans respect de la vie ni du prix de celle ci. Que vaut-elle pour la plupart de ces officiers, élites de la Nation soit disant qui n'hésiteront pas à fusiller un pauvre diable qui avait simplement peur ou dont la tenue n'était pas réglementaire.
Alors ce 11 novembre ? 1914 ? Combien de ces soldats seront là ? Plus tard, quand la boucherie sera finie ? Quand le sacrifice sanglant aura apaisé la colère des Puissants. Combien de Gueules cassées, d'hommes à la vie foutue seront médaillés, faute d'être morts pour la france, chanteront un hymne "national" à la gloire d'un pays qui a réclamé leur sang ? Combien seront là debout sur des béquilles, jambes de bois ou chaise roulante, pour saluer ceux qui ne sont pas revenus, leur compagnons de misère et d'infortune ? Combien croupiront dans leur merde et leur folie au fond d'un asile ?

Ils ne savent pas tout ça, ceux du 11 novembre 1914, ceux là qui écrivent à leur mère, leur soeur, leur femme ou leur bonne amie, ils ne savent rien de toutes les horreurs qui vont suivre, ils ne savent rien de la mort, des gaz, de l'horreur, de l'odeur de la poudre, des rats, de la pluie, de la boue, de la neige, du merdier, des barbelés, des bombardements, de la folie qui s'empare du monde entier.
Ils ne savent pas grand chose, otage des partis, des nations, d'une guerre qu'ils espèrent courte.
Ils ne se doutent pas mais comment le pourraient-ils que 100 plus tard, le monde toujours à feu et à sang commémorera la "Der des der" !
Ils avaient commencé depuis octobre à creuser les tranchées curieux sapeurs en uniforme. Tranchées pour s'enterrer, voir l'ennemi, s'en protéger, tenir la ligne, la ligne de Front. Faire front, faire face et affronter : S'affronter.
"Je t'écris des tranchées"
11 novembre 1914, Gustave, toi le vannier de Savigny loin de ta jeune épouse, sapeur mineur, télégraphiste, Camille frèle jeune homme seul fils d'une famille vendéenne tu allais bientôt mourir, Salomon tu ne savais pas encore que 4 ans plus tard avec une poignée de tes hommes tu repousserais l'ennemi à Reims... Et vous, les autres, les Nôtres, car quelle famille a été épargnée. " Trois de la famille sommes partis sur le front" écrit Jules. Combien de noms sur les monuments aux morts. Le père, les fils, l'oncle, les neveux.
Alors en ce 11 novembre 2014 cent ans après prenons juste un peu de temps, juste ce temps nécessaire pour simplement s'arrêter devant le monument aux Morts de sa ville, de son village et prenons le temps de lire le nom de ceux qui sont Morts pour rien. Fauchés dans leur vie, dans la promesse d'un avenir qui leur a été confisqué, qui a été foudroyé.
Prenons ce temps également pour tous ces hommes, je dis bien TOUS ces hommes arrachés à leur foyer et à la paix, blessés, traumatisés pour le reste de leur vie, morts. Quel que soit leur pays, leur religion, leur croyance. D'Allemagne de France ou d'ailleurs c'était des pères, des fils, des oncles, des enfants. Cette guerre n'a épargné rien ni personne, dévoilant un peu plus l'inhumanité en le sujet humain. La barbarie et la folie.
Prenons ce temps... Réfléchissons.... Méditons... Tirons leçon si nous le pouvons.

"Quelle connerie la guerre" écrirait Prêvert trente années plus tard. Combien il a raison

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

lundi 3 novembre 2014

Border line

Limite, le bord, le fil, sur le fil, du rasoir, vertige, vide, attention, fragile, basculer... Bordure...
Bordeline...
Au bord de la ligne, ligne, ligne jaune.
Etat limite, limite de ? limite du bord, du bord de la ligne, de la ligne du bord
Etre à bord, être au bord, tout au bord, au bord des limites...

Un terme encore beaucoup utilisé, à la mode, une nouvelle pathologie, qui s'invente, qui invente, mais qui pourtant est une maladie, cause une souffrance, existe, est ?
Borderline, débordants d'émotions que vous ne pouvez/savez gérer..  amenant à des comportements sociaux instables, une perception qui ne lui permet plus d'interpréter de manière adaptée les attitudes des autres, proches ou non ce qui donne lieu à des débordements inadaptés, des angoisses profondes, des peurs d'être laissés, abandonnés. C'est éprouver des sentiments d'abandon, de persécutions, ressentir le vide, être au bord du gouffre !

Un terme souvent utilisé, un peu partout, presque banalisé, dans le langage courant ;  Une pathologie pas si nouvelle pourtant mais le mot qui la définit la projette sous le feu des projecteurs, la montre à voir et à entendre. Etre Borderline  ne s'improvise pas, le diagnostic ne s'impose pas de manière fantaisiste, à la lecture de quelques tests sur le net ou sur les magazines, quelques oui et non aux items d'une liste pour assener la nouvelle...
Vous êtes...  (ou pas)
Ainsi peut-on lire : Etes vous bordeline ? Cliquez, et répondez le plus sincèrement possible aux questions et vous saurez.. Si vous avez plus de points rouges, verts, ou bleus, d'étoiles ou de triangles.
Un peu comme un tirage de tarot gratuit en ligne...

Etre bordeline n'est pas un hasard, une fatalité ni une excuse pour se déresponsabiliser de son mauvais caractère, de son impulsivité, de sa mauvaise (ou manque) éducation. Ce qui pourrait pour certains sujets constituer un "différentiel".
C'est une organisation psychique, un état entre deux, deux eaux ? à la frontière, au bord de la Grenze. Franchit, franchit pas ?

Mais que disent-ils : eux  ? Ceux qui souffrent ?

"Je suis bordel line" me dit un jour un patient..."ou bipolaire".. ?
"C'est quoi la différence ?"
"C'est le bordel dans ma tête, vous comprenez, un jour ça va, l'autre pas, je ne tolère rien, j'ai envie de les éclater, tous... etc... "

Sur le bord, sur le fil du rasoir, en équilibre, toujours, toujours se demander si CA ne va pas basculer, ce ça qui va entrainer le Je du "mauvais côté"comme ils aiment à le préciser, pour bien marquer cette dualité, ce bon et ce méchant, cette lutte permanente, ce combat qui les mine et les ronge.
Cet état où ils n'ont plus confiance en les autres, mais surtout en eux, cet état où les émotions les submergent et les engloutit. Cet état : Celui de la colère, de la violence, de la démesure, pour basculer ensuite, encore dans la honte, la culpabilité, la peine, le chagrin...La déprime.

"Je sens que ça monte alors je crie, je hurle, je me cogne la tête contre les murs"
Silence
"Ensuite je me sens soulagée, vidée, soulagée, je me sens"
Se sentir, se sentir comment ?

Fragile funambule sur le fil tenu de la vie, sur la corde raide qui frémit. Fragile sujet humain pendu, suspendu à la pulsion qui réprimée, contenue, permet de vivre sans trop de heurts, de chaos, sans trop de mal. Permet d'avancer cahin caha.
Fragile funambule qui, s'il regarde vers le bas, se sent mal, se sent partir, ne peux plus se retenir, se sent entrainé vers les profondeurs des abîmes, vers ce continent sombre de la démesure "Je suis en folie, en crise" dit-il... "et je n'y peux rien, je sais que je déconne, mas c'est trop tard l'autre s'est emparé de moi"
Cet autre qui est "le mauvais côté de moi, celui que je ne maitrise pas, mais qui est moi quand même, celui que je n'aime pas, mais qui est plus fort que moi."

Borderline, limite, personnalité et bla et bla... ! Et tous ces tests dans les magazines et sur internet pour vous dire si ; Vous l'êtes ou pas. En rajouter encore un peu plus. Pourquoi ? Pourquoi je suis comme ça ?

Infiniment simple ? Certainement pas, infiniment complexe. Oui.
Si les parcours de vie se ressemblent ils ne sont pas toujours tragiques, alors ?
Où faut-il chercher pour comprendre ?
"Je n'ai jamais connu que la folie et la violence de mes parents, alors je ne peux pas reproduire autre chose... j'ai lu des trucs là dessus" me dit une patiente
Mais faut-il croire tout ce qu'on lit ? Ce que toutes les émissions télévisées, sites internet racontent ?
Faut-il cocher des cases pour savoir qui on est ?
Il n'y a rien de plus instable et de plus impermanent que l'humeur. Certains sujets sont plus à fleur de peau que d'autres, ce moi peau ne les enveloppant pas assez de sa membrane protectrice, laissant les nerfs à nu, à vifs. Fleur de peau.
Métaphore ? Image pour dire et traduire ce mal qui surgit, cette douleur et cette souffrance qui explosent à la face de l'autre, qui n'y est pour rien, mais qui..
A la face de soi même ! Se sentir vivant en se cognant la tête au mur, en retournant la violence contre soi pour ne pas frapper, tuer, les autres. S'automutiler, se faire mal et attenter à sa vie ; Pour en finir !
Vouloir mourir pour que cela cesse, enfin. Pour soi et pour ceux qu'on aime, mal me dit un patient, si mal qu'on lui fait mal, alors qu'on ne voudrait pas ça. Action et regret. Humeur changeante, émotions débordantes, intenses, excessives.

Que faire ? Comment faire ? Pour ne plus souffrir et ne plus faire souffrir ? Est-il possible de rendre ces états émotionnels plus équilibrés "plus dans la norme"comme le dit cette jeune fille qui craint de perdre son compagnon démuni devant ses "crises" ?

Dire déjà que ce  n'est pas une fatalité, en parler et s'informer est déjà un pas, le premier. Savoir que. Savoir cela. Puis se dire aussi qu'il est possible de parler, de parler cette souffrance, de dire et de dire en mots cette violence. Expliquer à l'entourage, comprendre. Savoir, connaitre !
Partir à la rencontre de soi en gardant l'espoir que ça vaut le coup de s'engager sur ce chemin. Chemin difficile tant pour le sujet que pour le thérapeute ou l'analyste qui en a accepté l'accompagnement.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.




mardi 14 octobre 2014

Sport à mort

Jeanne* fait du sport, à n'en plus finir, à en souffrir, à en avoir mal, pour sentir son corps. Dixit
Jeanne est heureuse de dire j'ai couru 15 km. " Je suis morte". Dit-elle !
Jeanne est contente de dire j'ai fait des abdos, des pompes, j'ai mal partout, je ne sens plus mon corps.
Jeanne est ravie car elle vient de commander "un appareil de torture" pour faire du step et autres exercices pour modeler, sculpter son corps.
Jeanne a nagé pendant un très long moment, jusqu'à épuisement ; Elle s'est demandé si elle allait "pouvoir rentrer au port"...
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- "Pourquoi faire mal à votre corps ?"
- " Mal, faire mal (silence) corps, le mien, mon corps ? Moi ? Je le sens, il m'obéit (silence) mais pas toujours il a mal, je le tords, le le dompte, je l'entraine, il doit m'obéir, ne pas me trahir jamais, alors je le traine, non pardon (rire) je l'entraine "
- Silence
- "oui, l'entraine ; A être dur, s'endurcir, être ferme, à en pas mollir, faiblir, à résister, vous comprenez je en suis pas une mauviette"
- "Une mauviette ?"
- "Une merde quoi, une pauvre fille qui ne peut pas faire deux mètres et monter un escalier sans s'essouffler...une merde comme j'étais avant peut-être ? Je ne sais pas ! "

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Jeanne fait du sport, des sports, du jogging, de la musculation, des sports de combat, elle prend des coups, en donne, tape sur un punching ball,  court les salles de sport, s'inscrit à des marathons, elle dit avoir besoin "d'être lessivée, morte, tuée, foutue, "
Elle s'inflige, inflige à son corps une "torture permanente". Dixit.

Jeanne ne parle que de ça, presque que de ça. Cela fait quelques années qu'elle est entrée dans cette "spirale infernale" qu'elle qualifie parfois de drogue, d'addiction, de besoin mais souligne t-elle sûrement pas de loisir.
Car pour les loisirs, Jeanne n'a pas de temps, lire, regarder un film, aller à une exposition, c'est "perdre son temps".
Perdre son temps, c'est quand son corps ne bouge pas, n'est pas en marche, n'avance pas, bref, quand son corps est au repos. De ce repos Jeanne ne veut pas.
Elle a besoin de se sentir vivante. Et son corps sans cesse en mouvement en est la preuve... Dit-elle.

Jeanne exprime parfois violemment sa violence, celle des autres, celle qui lui a été infligée quand elle était enfant, par un père, "notable de province bien sous tous rapport" précise t-elle les larmes aux yeux, par sa mère qui lui demandait de se taire, puis par ses compagnons," pas mal sous tous rapports" sauf ceux là soupire t-elle ! La violence çà la connait, elle en est certaine, elle s'en dit spécialiste.

-"Cette colère... Jeanne... Cette colère... ? ... "
Colère, violence, seul le sport, ces coups donnés, reçus, ce corps poussé hors de ses limites, sorti de ses gonds pour l'apaiser, pour calmer ce trop plein de douleur, de souffrance
Faire souffrir son corps, exister, être au monde ?
Ainsi ? Comment ? Pourquoi ? Vivre ?
Jeanne à mal, Jeanne voudrait ne plus avoir mal, alors Jeanne se fait mal, encore mal, de plus en plus mal, mais Jeanne ne veut plus avoir mal, alors Jeanne vient dire les maux, mettre les mots, mettre les coups, montrer les poings d'interrogation, d'exclamation ! de soupir et de silence.
Jeanne parle pour ne pas être KO au premier round
Jeanne ne restera pas au tapis, un deux trois elle se relève, elle s'est toujours relevée, elle se relèvera toujours. En y mettant les formes et la ponctuation nécessaire, le temps qu'il faudra, le temps qu'il lui faudra pour mettre KO sa colère.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

* Le prénom a bien sûr été modifié.

samedi 27 septembre 2014

Mots d'enfances...

Des bribes, des morceaux, des fragments épars, éparpillés, gisant ça et là... Revenant à la mémoire, hantant les mémoires des vivants, des adultes devenus grands, qui ne se défont pas des fantômes de ces enfances
Des mots et des phrases, d'hommes, de femmes, exilés, ici, et là, encore, qui se demandent pourquoi, qui cherchent à savoir, à comprendre, à retrouver la trace, les racines et l'origine...
Des mots et des maux.

"Je me souviens un peu de la petite fille que j'étais, je ne me sentais pas à ma place au milieu des autres enfants de l'école, je ne leur ressemblais pas..... Ou ils ne me ressemblaient pas. Nous n'avions rien en commun, ils ne me parlaient pas, et je n'avais pas non plus envie d'aller vers eux. Ils étaient "d'ici" et pas moi, je ne savais même pas d'où je venais, même mon nom, ils n'arrivaient pas à le dire.. A chaque fois c'était pareil. Ils se moquaient. J'aimais bien l'école, j'y apprenais une langue qui n'était pas celle de la maison, mais je n'aimais pas la récréation... "

"Petit déjà je ne leur ressemblais pas, il y avait eux et il y avait moi. C'était comme ça. Mon enfance en fait je ne m'en souviens pas, on ne sortait pas, on ne voyait personne, il y avait la peur, mais je ne sais pas de quoi, peur de manquer peut-être ? Mais je n'ai manqué de rien"

"J'ai grandi dans un petit village du nord de la France, je ne savais pas grand chose de ma famille car on n'en parlait pas à la maison, j'avais des copines, elles m'invitaient chez elle, ça ne ressemblait pas à chez nous. J'aimais bien. Elles avaient une famille, il y avait des fêtes, chez moi rien, personne. Je m'ennuyais, je n'aimais pas les vacances, c'était triste. Heureuse ? Lorsque j'étais petite ? Je n'en sais rien, je voulais grandir pour partir, ça c'est sûr, partir ailleurs, je ne savais pas où mais je rêvais de l'Amérique. J'y suis allée .. rires.. "

"Je n'ai jamais connu mes parents, ce sont mes grands parents qui m'ont élevés. Ma mère et mon père je ne sais pas qui ils sont, enfin qui ils étaient... Ils n'avaient pas eu le temps de venir, disait ma grand mère et elle se cachait pour pleurer. Venir où ? Aller où ? Je ne savais pas, c'est bien plus tard que je l'ai su. Je l'ai appris dans les livres, les journaux, les documentaires. Je vais de la généalogie pour retrouver leur trace, savoir qui ils étaient... ! J'espère trouver un peu de paix."

"Mon enfance n'était pas malheureuse, j'ai grandi derrière ce que vous appeliez le rideau de fer, le mur de la honte et plein d'autres choses encore. Je n'étais pas malheureuse car j'avais la chance d'avoir de la famille, ils étaient là tous, presque, pas comme mon amie, qui elle n'avait presque plus personne...Morts, morts tous morts. Disait-elle. Elle riait en pleurant, il ne restera plus que moi !"

"Petit ? Oh là là c'est loin tout ça -rires- puis soupirs, puis tristesse. Tiens je n'y pense jamais ou pas souvent. Mon père ? Il était sévère, il criait, en fait non, c'était ma mère, non je ne sais plus, les deux peut-être, en fait je suis parti très vite... C'est mon grand père qui m'a recueilli, il m'a élevé et m'a dit "maintenant mon gars, il faut que tu arrêtes de faire des conneries et que tu fasses quelque chose de ta vie".. je l'ai écouté et j'ai plutôt bien fait."

"L'enfance, c'était les foyers, vous savez ceux du même nom, j'étais un enfant placé, déplacé surtout. oui, déplacé, je le suis toujours, quand je bosse je suis en déplacement, c'est peut-être pour ça que je viens vous voir.. Pour trouver une place".......

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Enfance, enfances, mots d'enfants et paroles d'enfance, oubliées, reléguées parfois au fond des mémoires mais toujours toile de fond qui sous tend la vie, la peur, l'angoisse, les cauchemars.
On aimerait y revenir, y retourner, pour recommencer, oublier, faire autrement, gommer, refaire. C'est impossible.

Enfances blessures, enfances blessantes, enfances trauma, enfances traumatisantes, enfances effractions, enfances effractées, enfances traces, traces de l'enfance

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

jeudi 18 septembre 2014

Procrastination

Un mot savant, pas facile à prononcer, à écrire à retenir pour dire de manière technique ce qu'on ne fait pas aujourd'hui et qu'on remet à demain.  Ou à après demain pour ne pas dire aux calendes grecques.
Procrastiner est à la mode, pas l'acte, pas le faire, ou plutôt le non faire, mais le mot. On le voit, on l'entend presque partout. Mais au fond qu'en sait-on ?
Nous nous sommes tous trouvé confrontés à ces tâches ingrates, déplaisantes, mais qui néanmoins doivent être faites.
Certains sujets font au fur et à mesure afin de ne pas se laisser déborder par une pile de repassage, une vaisselle, un tas de papier à remplir, des lettres à faire etc..
Ce qui est fait est fait et n'est plus à faire. S'ils ne retirent pas un plaisir particulier à passer l'aspirateur ou faire une déclaration de revenus ils éprouvent cependant la satisfaction de l'avoir fait.
Un certain contentement
D'autres au contraire n'ont pas envie, mais alors pas envie, si peu envie qu'ils ne le font pas, se disant que peut-être d'autres le feront. Ou bien que demain, après demain ou un jour ils auront plus de temps, le moment sera plus favorable, ou pire que sous la pression se sera mieux fait
"j'attends toujours le dernier moment, la dernière limite, j'ai le couteau sous la gorge, là je ne peux plus reculer, alors je le fais" me confie un adulte d'une quarantaine d'années.
J'ai toujours fait comme ça, au lycée, les devoirs je les rendais à la dernière minutes, pas le temps de me relire mais basta !"
Dommage, se relire permet d'éviter des erreurs et de gagner quelques points. Mais faire dans l'urgence ne le permet pas. Le faire à temps, si.
Alors pourquoi ? Pourquoi remettre à demain.
Ce n'est pas me semble t-il une question de gestion de temps, ce n'est pas aussi simple. S'il est vrai qu'il y a un temps pour tout et que l'organisation est nécessaire, voire indispensable, certains sujet ne peuvent, ne savent ou refusent tout simplement de s'organiser
Je fais quand j'en ai envie. Quand je veux, quand je le désire, je déteste les contraintes.
Les contraintes, obligations, devoirs. C'est bien de cela qu'il s'agit. Toutes ces choses qui ne sont pas du plaisir, du bon temps mais qu'il faut faire. Alors remettons, laissons de côté. Pourquoi s'embarrasser à s'obliger à faire quelque chose de désagréable. Si tel n'est pas notre bon plaisir ?
Frustration.... Celle qui dit-on aide au développement
Frustration... Ne pas avoir tout de suite ce qu'on désire. Le plaisir, immédiat, l'immédiateté.
S'obliger.
Se frustrer, s'imposer. Se confronter au réel, ce qui cogne, ce auquel on se cogne disait Lacan... Ce réel qui fait mal qui rappelle à la réalité. Principe de plaisir et principe de réalité.
La frustration n'a rien d'agréable, c'est éprouver le manque, et le manque est insupportable pour ces sujets désireux et habitués surtout à tout avoir, tout obtenir d'un seul clic.
Ne pas faire alors car ce faire de suite serait source de déplaisir, ce déplaisir intolérable les poussant à différer ce faire, pour rester dans le plaisir et la satisfaction immédiate...
Une piste peut-être mais sûrement pas la seule. La paresse bien souvent invoquée, ne tient pas davantage... Laisser trainer, différer pour un demain aléatoire où peut-être...
Mais s'il n'y avait pas de demain ?
Laisser... Laisser pour un demain, un futur possible encore ?
Se dire qu'on aura encore le temps, la trace du faire, faisant à faire... Semblant de croire que plus tard ce faire sera fait ? Car demain "on" aura le temps ? Attendre toujours ce temps, ce soit disant moment pour ça. Qui n'est qu'un leurre, car de moment "pour ça" il n'y en a pas, et le sujet le sait, mais diffère quand même. Parfois une tâche qui somme toute n'est pas si ingrate que cela, mais qui lui pèse, car il n'a pas envie tout simplement. Trouvant qu'il est déjà sous pression tout le temps, alors pourquoi une de plus ?
Sur ce point il n'a pas tout à fait tort, la pression existe, elle est de plus en plus présente, il faut, on doit sont les leitmotiv de notre société qui ne prend plus le temps de et produit des sujets/objets de cette immédiateté des désirs satisfaits. Le sujet est réduit à la chose cliquant sur le bien convoité et notant les chiffres de sa carte bleue pour obtenir chaussure, CD, livre ou autre sans avoir même à sortir de chez lui, à n'importe quelle heure de la journée ou de la nuit.
Procrastiner n'est pas nouveau, le mot non plus, mais il est remis à la mode et fait même l'objet d'une pathologie, certains thérapeutes se propose m^me de rééduquer le sujet récalcitrant en le déconditionnant de ces mauvaises habitudes pour lui en inculquer de nouvelles, meilleures celles là. Dit-il
Seulement voilà, le sujet humain n'est pas un ordinateur, son cerveau n'est pas un logiciel et même si la Science (avec plusieurs majuscules) se penche elle aussi sur la Chose et en donne des explications plus ou moins scientifiques cela ne nous explique pas le pourquoi et le comment. Cela ne nous dit rien non plus sur la souffrance, l'anxiété et l'angoisse éprouvés par le sujet
Car rien n'est dit à propos de l'angoisse qui pourtant se situe au coeur de la problématique une fois encore et je le souligne, le surligne s'il le faut est bien là...
L'angoisse avant, pendant et après. L'angoisse qui serre et étreint, qui fait mal, qui questionne, interpelle le sujet.. Qui laisse et qui remet sans foi sur le métier son ouvrage.
Qui laisse l'ouvrage sur le métier, qui le laisse pour qu'il reste.
Abandon de l'ouvrage, pas tout à fait, pas toute, laisser trace de son passage, ici, et plus tard aussi, certitude de ce plus tard, de ce demain peut-être ou après demain. De ce futur, possible encore car il reste à faire
Il reste à être.
Il reste à être encore là...
Demain et après. Ne pas tout finir, terminer, c'est aussi quitter, ne plus revenir.
Laisser alors un peu ou tout l'ouvrage sur le métier, afin de savoir que partir n'est pas encore possible qu'il est encore trop tôt. Laisser un peu de soi. Pour l'autre, mais aussi pour soi
Trace.
Encore.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne


vendredi 29 août 2014

Alter non ego

Je suis l'autre ou pas ?
Je suis ou pas ?
Etre ? Mais être l'autre....

Voir et trouver en l'autre, soi même ou un autre soi même qui finalement n'est pas tout à fait soi ?
Quid alors de cette mêmeté rassurante, qui le devrait au moins mais qui ne l'est pas .
Quid de cet alter non ego ?

Il est toujours question de l'autre me direz-vous ? Mais est-il alors question de soi ? Soi et soi, l'autre et l'autre, mais soi n'est pas l'autre ?
Ressemblance, dissonance, harmonie ?
Si l'altérité désigne le caractère qui est de l'autre, sa singularité en quelque sorte c'est pour bien désigner et souligner sa différence.
Reconnaitre en l'autre un être différent de soi même, véritablement autre, respecter cette altérité, la voir, la distinguer et l'accepter
Il n'y a rien à voir là avec la tolérance, car voir en l'autre un sujet singulier est une des conditions du lien social.
Convient-il de rappeler qu'alteritas héritage du latin signifie différence ? Ainsi tout est dit, ou presque.
Car tout n'est jamais complétement dit, il y a toujours un reste, un reliquest qui fait une faille où tout peut s'engouffrer... peut-être ?
Ainsi l'autre est différent, singulier, existe surtout. Ainsi le monde est-il fait !
Pourtant chacun s'évertue à chercher en l'autre un peu de soi, pour s'y reconnaitre, s'y fondre parfois, une recherche éperdue d'âme soeur aussi, qui viendrait compléter, faire un tout de soi et de l'autre, un tout où se soi et l'autre fusionne pour ne faire qu'un. Un seul
Mêmeté encore une fois

L'autre n'étant pas soi et soi n'étant pas l'autre !
Peur alors de cette étrange étrangeté, de ce quelque chose qu'on ne reconnait pas, qui n'est pas soi, pas de soi, qui ne va pas de soi et qui justement fait de l'autre un autre. Etrange, curieux et singulier.
Alors tenter de changer l'autre, de le faire changer, de l'amener à soi, sur son terrain, dans son espace telle une proie peut-être pour mieux l'absorber, mieux l'assimiler, mieux la digérer ?
Penser alors que soi, et seul soi sait ce qui est bien, bon pour soi mais aussi pour l'autre, que ce soi, détient en quelque sorte la vérité, une vérité, et que l'autre doit y adhérer
Et parfois en toute bonne foi, pour réduire sa souffrance, pour être heureux, au détriment alors de cet autre qui joue sur une autre partition, un autre terrain
Une rencontre qui n'est pas, puisque personne ne fait un bout de chemin pour aller au rendez-vous de l'autre ?
Alter ego... Un peu comme l'Utopie, un monde sans aspérité, où il n'y a pas de conflit, pas de Polemos, où rien ne se passe et règne l'harmonie
Un monde sans singularité où il n'y a qu'une seule pensée....Mais quelle pensée ?
Et qui en décide ?
Qui décide et de quoi ?
Vaste sujet, vaste débat !

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

jeudi 7 août 2014

L'injonction

Tu... Tue ! Dois.. Devoir.
L'injonction est un ordre, un commandement, qui ne se discute pas.
Enjoindre de faire, de payer, de dire, d'obéir. Contraindre, forcer, obliger.
Injonction thérapeutique, paradoxale.
Un ordre formel qui ne peut et ne doit être contourné et transgressé. L'injonction d'enjoindre
Dans un dernier article j'évoquais le mal dit, ce mal qui est dit sans détour. Au cours de la conversation. Sans souci de savoir qu'elle sera la répercussion des mots dits, prononcés.
Ces mots qui s'avèrent au cours du discours une condamnation à mort, une injonction de.... Ne pas vivre, donc mourir.
Il y a des mots et des maux qui sont par essence des injonctions
Qui privent d'espoir, de vie, d'en vie.
Diagnostic et pronostic ! On ne marchande pas, c'est le dernier prix.
Pourtant ; qui a le droit ? Et surtout qui sait.
Ces mots soulèvent un questionnement permanent, sans réponse non plus. Bien que ! A force de constater les ravages de ces mots sauvages, ces mots assénés trop brutalement, certains services mettent en place ce qu'ils nomment pudiquement "consultation d'annonce"
Annonce. Euphémisme ? Comme s'il y avait un art et une manière de dire. "Vous avez ceci ou cela"
Vous avez, nous y voilà.
Avoir. Vous avez et par conséquent vous êtes. L'avoir de la maladie fait de vous un être malade.
Un mot et le sujet devient l'objet de son mal, la chose de la médecine un numéro de dossier avec une pathologie au nom barbare et savant
Nous savons tout ça ! Nous déplorons tout ça. Vous, Je, ainsi ce nous.
Ces mots, ces ordres qui ne laissent place à aucune faille pour un discours autre, pour celui du sujet qui justement n'en veut pas. Ces mots assassins qui tuent avant même que le mal fasse son oeuvre ! Mots qui tuent le désir, qui ne laissent place pour rien d'autre qu'une pensée unique, celle de celui qui décide pour tous. Totalitarisme de la pensée, encore. Unité, unifier, ne plus voir qu'une seule tête. Plus de place pour la singularité. Dangereuse et rebelle qui vient plomber les statistiques qui démontrent que. Cela doit être ainsi et pas autrement.
Dénoncer alors ces protocoles où ne rentrent que les sujets conformes, pouvant prouver l'efficacité ou la non efficacité... Sauf que c'est penser une fois encore que : Chaque sujet est unique.
Cette unicité qui fait de lui sa force lui permet d'échapper aux statistiques qui ne sont que des chiffres et des graphes qui ne veulent rien dire de plus que l'injonction du moment.
Vous devez être mince, avoir confiance en vous, décider de votre vie, faire le bon choix, trouver le bon partenaire, élever vos enfants, être de bonne humeur, sourire, accepter tout cela, sans rien dire, surtout sans vous rebeller.
Faire semblant, accepter et courber l'échine. Se résigner, se dire que de cette maladie on n'en réchappe pas, le médecin l'a dit, le grand professeur aussi. Sauf que ! Qui sont-ils ces gens pour affirmer ça ? De quel droit se donne t-il celui de vie ou de mort sur un sujet ?
Ces scientifiques qui raillent les astrologues et les voyants ? Mais ils sont mille fois pire ! Car ils jouent sur la peur et le pouvoir qu'ils imposent à ceux qui les consultent tremblant de peur et plaçant leur espoir dans les quelques mots que ces "pontes"  lâcheront avec parcimonie...
On ne leur demande pas de mentir, simplement d'être humain ! Encore trop difficile pour certains. S'ils ne contrôlent pas leurs émotions, leur peur, est-ce le problème du patient ? Du malade car il faut bien l'appeler par son nom ?
Mais il en est de même pour ces enseignants, instituteurs, professeurs, conseillers en tout et rien qui d'un seul mot, d'une seule observation sur le carnet scolaire biffe l'avenir professionnel et l'avenir tout court d'un enfant !
Comme s'ils savaient. De ces enfants blessés et meurtris par ces injonctions, j'ai souvent entendu la souffrance et la douleur. Celle d'être des "bons à rien"... Le maitre là dit. Mots assassins encore.
Et d'apprendre à ces enfants, que ce mal dit n'est pas une mal ediction comme les paroles de la méchante fée dans les contes. Qu'ils ont le droit de ne pas y croire, que c'est même un devoir.
Ne pas y croire pour croire en autre chose, en béné diction, ce qui est bien dit, ce qui est dit,ce qu'on se dit. Maudire et bénir, mal et bien ; encore, et ce n'est pas aussi simple, nous le savons
Mais ce qui est dit n'est pas immuable, il reste au sujet au moins un soupçon d'espoir. Juste ce qu'il faut pour qu'il soupçonne qu'il peut, changer, faire, agir être acteur de cette part essentielle qui fait que sa vie n'est pas le destin que les autres ont choisi pour lui
Car nul n'a ce droit, nul n'a ce pouvoir, nul ne peut...
Espoir ! Désir ! Envie... Pour rester, et être en vie.

Britgitte Dusch, psychanalyste, historienne.

dimanche 27 juillet 2014

Le mal dit 1

Mon dernier article a suscité des commentaires sur certains réseaux sociaux et c'est tant mieux ! Je ne peux y répondre en 140 signes cela me semble un exercice un peu difficile, alors je vais tenter en quelques lignes quand même, d'apporter quelques éléments, non de réponse, mais peut-être de réflexions prolongeant les interrogations.

En effet l'annonce d'un diagnostic se révèle toujours une épreuve, parfois un soulagement : Enfin un mot pour mettre sur tous ces maux. Une explication qui rassure car  "je ne suis pas fou"..
Comprendre, faire des liens, associer. Savoir, car il faut bien quand même savoir !
C'est de soi, de sa peau dont il est question...
C'est essentiel, mais ça ne suffit pas, car il faut à présent faire avec, avec ce mot, inconnu, absent de la pensée il y a quelques instants.
Ce mot qui bouleverse, qui transforme et qui tue parfois ! Aussi !
Tumeur... Tu meurs !
Injonction infernale !

Un seul mot qui suffit non seulement à envahir l'être mais à le bousculer, le renverser, le déséquilibrer, car après une telle annonce, plus rien ne pourra désormais être comme avant.
Tous les cliniciens ont décrits les différentes étapes, de cet accueil singulier et extra ordinaire qu'est celui de la malade, des émotion, états d'âme, ce que je nomme une "crise"
Car c'est bien de crise qu'il s'agit, une crise qui se constitue dans le quotidien du sujet qui se sachant mal, se sait à présent malade !
Un pas est donc franchi... Brusquement, parfois ! Mais ce pas ne donne pas forcément accès au pire, même si c'est ce pire qui arrive aussi brutalement à l'esprit.
Comme je l'ai écrit, cancer, malgré toutes les avancées de la médecine signifie encore dans bien des esprits (grand public mais aussi médecins hélas) une condamnation à une mort certaine, lente, douloureuse, pénible.. Un parcours du combattant, au mieux, car le soldat s'il combat, ne se rend pas forcément sans avoir épuisé ses ressources ni tiré sa dernière cartouche !
Et c'est là que se situe la différence, je crois.

Nul n'est forcé de se rendre... D'obéir à l'injonction qu'est cette condamnation mal nommée encore, mais pire sous entendue.
Injonction, condamnation à mort.

Etre positif n'est pas possible m'écrit-on ! J'en conviens c'est difficile, voire impossible ! Comment être positif en sachant que le couperet peut tomber !  Va tomber, penser ça à chaque instant... Mais nul besoin d'être malade pour mourir ! Et qui sait quand ? Comme me disait un patient "voilà, je sais que la mort est au bout, mais je n'ai rien appris de nouveau, car ça je le savais déjà.. "
C'est peut-être ça le plus difficile, être brutalement confronté à sa propre mort, sa propre finitude, qui est le lot de chacun, mais comme l'écrit Freud, l'inconscient ne connait ni le temps ni la mort, et l'homme se pense immortel ! Alors l'annonce fait figure de rappel, nous place face à l'épreuve du Réel qui est sans appel !

L'homme est mortel ! La mort, sa mort impensée et impensable... Comment faire avec ça ?
Pourquoi penser la mort alors qu'on est en vie ? Pourquoi ne pas se penser en vie, avoir cette envie... ?
Etre positif semble en effet bien dérisoire face à ce danger, face à cette menace, brandir cette étincelle d'espoir, cette injonction aussi peut-être indécente, ridicule et grotesque, pourtant ! Conserver une lueur d'espérance ne peut qu'aider, soutenir le désir.

Se battre ! Souvent le langage guerrier est de mise, une lutte s'engage entre soi et l'intrus, celui qui squatte le corps, pour en déposséder le sujet, faire son lit, son nid dans ce lieu pour mieux y déployer la mort ! Trahison, le corps lâche, accueille cet ennemi, collabore et ne résiste pas ! Engager un dialogue, faire des compromis ? Mais lesquels ? L'un veut la peau de l'autre ! L'un l'aura, l'autre pas !
Une sorte d'histoire dont certains affirment connaître la fin, une histoire qu'il convient pourtant d'écrire, en laissant chacun d'y inscrire sa fin, comme il la souhaite, comme il le désire.
Car qui connait la fin ? Qui sait quand l'histoire s'arrête ? Qui peut décider de ça et dire ça ?

Résister n'est pas seulement se battre les armes à la main, il y a les combattants de l'ombre eux aussi, tout aussi efficaces.. Ceux qui usent d'autres armes, d'autres outils, car tout est bon dans ce combat là, dans cet affrontement là. On fait feu de tout bois car c'est de sa peau qu'il s'agit, et qui mieux que soi peut savoir comment la sauver.. ? Laisser à l'autre, celui soit disant supposé tout savoir décider que ceci ou cela doit se faire, doit être... ? Lui laisser, lui donner se pouvoir là ? Démissionner alors de sa propre vie et en confier les rennes à un parfait inconnu qui hormis le nom de votre maladie ne sait rien ou si peu de vous ?
Que faire : Résister, combattre, se battre avec, apprivoiser l'intrus, s'en faire un ami, comprendre ce qu'il fait là, pourquoi soi, se laisser aller, laisser faire, attendre, avoir mal, culpabiliser, se fâcher, être en colère, démissionner, se taire... ?
Oui que faire ? Ce faire là est tout aussi singulier car qui va dire quoi faire ? Qui sait mieux ce qu'il faut faire, ce faut qui est la faux qui se profile au loin pour rappeler que le jour approche, ce dernier instant tant redouté mais qui disent certains malades viendra enfin mettre un terme à tout ça ?

Espoir ! Lequel ? Qui donne, transmet cet essentiel, fondamental sans lequel toute vie n'est pas possible, cet espoir là qui permet de vivre avec, d'être soi, simplement soi...

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

lundi 21 juillet 2014

Les pauvres gens

Les pauvres gens... Sans nom et sans grade...
Ce sont ces inconnus, anonymes de l'Histoire que je rencontre au hasard des recensements, des Archives, des actes, de naissances, de décés, de mariages. Bonheurs et tragédies, rires, chagrin et larmes à la mort d'un nouveau né... Nés de père inconnu, enfant légitime... ou non...

Héros d'une vie, d'un évènement sur le théâtre du quotidien de l'histoire, que l'Histoire n'a pas retenu, n'a pas convoqué pour écrire, pour s'écrire, mais pourtant.

Tout ceux qui ont fait le passé, le nôtre. Ces "gens de peu" comme les nomment ceux qui ont un peu plus, ou croit en avoir davantage. Ces gens nombreux qui ont animés et fait vivre les villages des campagnes de France, dansés, pleurés. Qui ont fait. Qui les ont fait.
Ces gens qui ont été.

Mes recherches me conduisent vers ces archives là, vers ces traces là, souvent les seules qu'ils aient laissées à une postérité qui ne se soucient plus d'eux. Mais le présent s'en est-il soucié ?
Qui sont-ils ? Laboureur, cantonnier, chef cantonnier, couturière, ménagére, menuisier, vannier, manoeuvrier... Des métiers qui n'existent plus et ne feraient plus vivre...
Hommes, femmes, enfants...Familles.

Les Archives sont vivantes à qui sait les lire, les décoder, les écouter pour leur rendre âme et vie. Les Archives sont la vie passées et renferment tant de secrets, de peines, de joies de bonheurs et de larmes qu'est la vie de chacun d'entre nous.

Travail de l'Historien encore. Partir à la rencontre de ces hommes, femmes, enfants et comprendre leur histoire, leur vie. Mettre en images, mettre des mots sur les images. Faire revivre ce passé pour le comprendre et peut-être mieux saisir ce qui a été pour expliquer ce qui est.

Depuis plusieurs mois je suis plongée dans ce début du XX° siècle, qui je le pense n'a vraiment commencé qu'en 1919, après cette guerre mondiale qui changea le monde, les hommes et les sociétés. Elle marque je crois un tournant fondamental moral et éthique, une articulation sur un monde nouveau où l'homme occupera une place différente. Elle réveille ce Thanotos endormi, ces pulsions de haine et de destruction. Le Mal a été libéré pour s'incarner quelques décennies plus tard, dans une violence inouïe, à peine pensable, imaginable... Où l'homme a montré le pire de lui même, la Bête immonde qu'il peut-être et devenir sans grand peine.
L'historien est le passeur, le témoin, mais pas le spectateur ! Il prend part à ce qu'il découvre, car ce qu'il voit, ce qu'il lit ne peut le laisser indemne. Il appartient alors au témoin de transmettre le message, de témoigner de ce passé qu'il vient de côtoyer.
Un rôle difficile et complexe car il se doit de rester neutre, sans être bienveillant vis à vis des événements, relater les faits et rien que des faits, ne pas juger mais analyser au prisme du contexte et tenter de penser avec l'esprit du moment, non le sien... D'une infinie difficulté, un exercice terriblement compliqué aux limites du possible. L'objectivité, comme l'ici et maintenant est la pire des ascèses. Ne pas se laisser envahir par ses émotions, son chagrin et sa peine aussi, sa colère, son parti pris.
Transfert, le transfert de l'historien existe bel et bien. Je lui avais consacré un chapitre dans ma recherche sur la duchesse de Longueville... Transfert et contre transfert, amour et haine.
L'histoire serait-elle aussi une question d'amour ?
Lire les Archives et l'histoire qu'elles nous racontent ne laissent pas indemnes, évidemment.

Alors que dire des pauvres gens ? Comment reconstruire leur histoire, leur passé, quelles traces, empreintes nous ont-ils laissés ? L'histoire de France et d'ailleurs s'intéresse aux monarques,princes du Sang ou autres Grands ne retenant les petits que pour comptabiliser la misère et les guerres, ce qui va la plupart du temps de pair. Pourtant ce sont bien ces armées de Pauvres gens, des villes et des campagnes qui ont bâtis le monde, à la sueur de leur front et de leur âme.

Que dire des pauvres gens ? Qui nous ont laissés peu de choses, avec bien de la chance, quelques lettres, un journal, les cartes postales.. Près de nous, un peu plus près quelques histoires qu'on transmets, légendes familiales qui parfois se perdent dans les méandres de la langue et des mémoires.
Que dire alors ? Comment écrire ? Comment construire ?
Partir de quoi ? Pour aller où. Si les Archives parlent, elles ne comblent pas le manque, celui de ce qui s'est passé, ce qui a été vécu. Il manque tellement de manques !

Que dire, que faire et que raconter à partir du manque, reconstituer un métier, un art, une vie est possible, mais la vie intime, l'intimité du quotidien.. Elle peut l'être également si nous disposons de suffisamment de matière ce qui est loin d'être le cas pour ces gens qui ne savaient pas écrire parfois.
Alors admettre qu'on ne saura pas, car Clio ne peut imaginer, écrire une fiction, elle peut au mieux supposer, poser des hypothèses.
Sans émotions... L'historien fait alors fi de sa propre perception, il ne peut rien dire de la mort de ce bébé de 2 mois... de cette femme morte le jour de la naissance de sa fille, ces prénoms identiques à celui du père de la mère ou du dernier né... Le psychanalyste comprend, relie... tente une approche mais l'historien ?
Il ne peut pas mettre de mots sur l'éprouvé, la tristesse ? Peut-être ? Il ne peut rien dire sur ces familles où des enfants naissent chaque année et meurent au rythme des hivers. Ils met en mot des chiffres. Des dates, des noms, c'est déjà ça..

Alors quid de l'histoire de ces "pauvres gens" de tous ceux qui ne nous ont rien laissé si ce n'est que l'humble trace dans les registres des Archives du lieu de leur vie.
Frustration extrême, déception souvent.
La tâche de l'historien est ingrate parfois ; nous devons faire avec ces manques, ces trous, ces vides, ces sources qui ne sont plus.
Faire avec le sans, écrire avec ce qui est là, présent, présent du passé, ce que cet avant nous a légué ou pas, ce qu'il en reste. Ecrire l'histoire avec les reliquats du passé.. et ne pas extrapoler, combler...
Ce ne serait alors plus de l'Histoire mais du roman.. L'histoire dans l'Histoire...
Et celle de ces pauvres gens est de ces histoires perdues dans le trou noir, le tourbillon des ans qui passent qui ne laissent que peu de traces si ce n'est celles inscrites dans les monuments dédiés aux morts. Mais ceux là, dès lors... Ne sont plus anonymes...

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.

jeudi 17 juillet 2014

Triste anniversaire 16-17 juillet 1942

Il y a des anniversaires dont on se passerait bien, des dates qu'on aimerait ne pas avoir à commémorer puisque c'est le mot à la mode, devoir de mémoire, souvenirs..
Des actes qui n'auraient jamais du être, mis en scène...
Notre société a tant de choses à se prouver qu'elle plonge dans le passé pour s'excuser de ne pas avoir le temps de gérer l'horreur et l'ignominie du présent.

La veille de la fête nationale de ce pays il s'y est passé des choses relevant de l'impensable et de l'innommable, des faits qu'on pensait d'une autre époque, d'un autre temps. Qu'on croyait révolus.
Pourtant les rues de Paris, et d'autres villes de la France raisonnaient des cris de "mort aux juifs"...  Cris et gestes de haine... Encore !
Vitrines brisées, magasins saccagés...
Est-il besoin de rappeler une certaine nuit dans les villes d'un autre pays.. Ennemi alors... Il n'y a pas si longtemps
Actes qui ont été blâmés, jugés, condamnés..
Et pourtant !
Consternation, peine, colère, tristesse et ce sentiment de détresse profonde une fois encore?
Une fois de trop.

J'ai entendu les témoignages de ceux qui y étaient, les vidéos prises par mon amie Estie, et d'autres, j'ai entendu les cris, hurlements terrifiant, vus ce déferlement de violence...
Mais surtout j'ai vu...
Ces regards interrogateurs...
Des regards remplis de peurs, d'angoisse...
Les regards de ceux qui justement en ce mois de juillet 42 !

La Rafle du Vel d'Hiv..

16-17 juillet 1942, c'est la guerre certes, mais quand même. J'ai du mal à imaginer les forces de l'ordre, des pères de famille, des hommes, des sujets humains, rassembler leurs semblables dans un ghetto afin de les livrer à l'ennemi...
Hommes, femmes, enfants, vieillards, bébés...
L'horreur absolue !
Encore...
Pourtant, tout cela a bien eu lieu, dans ce lieu qu'est la France qui s'auto-proclame "Pays de la liberté et des droits de l'Homme"
Mais de quel homme ?
J'ai déjà souligné à maintes reprises que de l'histoire les hommes n'en tiraient leçon. Nul enseignement n'en a été appris aucune conclusion ... Rien.
Tout recommence encore et encore
On convoquera la haine, le mal, les pulsions. On convoquera tout ça et puis ?
Quid ?
Hier une amie m'écrit "... C'est pourquoi je parle autour de moi, de Dora, d'Hélène et de sa famille, pour qu'on ne les oublie pas"
Combien de Dora et d'Hélène ont été conduites au Vel d'Hiv par des gendarmes et policiers zélés aux ordres de la police de Vichy ?
Même les autorités allemandes s'en étonnaient, ne pensaient pas que ce gouvernement et ses complices pouvaient collaborer au delà du pensable, au delà de leurs demandes.
Ainsi, l'être humain nous étonnera toujours, s'il est capable du meilleur, il se montre le plus souvent hélas capable du pire.
Je lis aussi "nul oubli, nul pardon". Bien sur que non, on ne peut ni pardonner, encore moins oublier, mais peut-on espérer. Peut-on avoir ce secret espoir que tout cela ne se reproduira pas, que plus jamais ça n'est pas une vaine prière ?
Mais si pour faire la paix il faut être deux, pour vivre ensemble il faut être tous, tous à le vouloir... ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

lundi 14 juillet 2014

Dire et Bribes

Ce rêve me hante souvent
Comme les autres
C'est souvent les mêmes,
Une sorte de feuilleton, une bonne série, parfois moins bonne
Je m'y retrouve, là où je l'ai laissé
Pour le prochain épisode
Rêver c'est fatiguant
Et je me réveille épuisé
Toutes les nuits j'escalade
Des murs de pierres aux escaliers insolites
Escaliers réguliers, à pic et irréguliers...
Je saute, vite, je cours et j'arrive
J'y arrive ! Où ? Mais nulle part
Ce n'est pas important ?
Faut-il toujours aller quelque part ?
Puis je saute, encore mais dans le vide sûr de moi que je suis car ça marche à chaque fois dans le rêve dans les rêves que je fais je retombe sur mes pieds toujours sans savoir pourquoi c'est magique je lâche prise enfin une bonne fois pour toute il n'y a pas d'autres issues et puis on verra bien.
..................................................................
Des obstacles, des cassures, des brisures
C'est fatigant le rêve
Je me réveille épuisé
Je marche dans des endroits improbables qui n'existent pas
Ailleurs qu'ici, dans mes rêves
Endroits singuliers, parenthèses et refuges
Asile !
C'est confortable le rêve
Mais il faut se réveiller
Se réveiller fatigué, tellement fatigué...

Dixit.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne

samedi 28 juin 2014

La Guerre.

On me demande souvent "mais pourquoi la guerre vous fascine t-elle à ce point ?"
La guerre ne me fascine pas, elle m'interpelle, elle questionne en moi le sujet, la faculté du sujet à faire la guerre, ce pourquoi qui le conduit à mettre en scène ces actes là.
La guerre, faire la guerre, jouer à la guerre, sauf qu'elle n'est pas un jeu, et que le je lorsqu'il s'y frotte y laisse des plumes et s'y pique. Toujours.
La guerre est là, toujours au coeur de l'histoire des Hommes depuis les Origines... La guerre ordonne, fait et défait les frontières, trace les lignes de démarcation, les gomme, les remodèles, sans se soucier vraiment des hommes, seule compte la terre, ce morceau de territoire, d'accès à la mer... Sans se soucier des hommes.
Pourtant ce sont les hommes qui font, qui vont à la guerre, qui en reviennent ou pas. Mais peu importe il y en aura une autre, et encore une autre, toujours une autre, qui sera la dernière, qui sera pour qu'il n'y en ait plus d'autres jamais.
Et pourtant !

Alors pourquoi la Guerre ?

Freud a tenté d'y répondre dans la longue lettre qu'il a adressé à Einstein. Tenté. On peut toujours essayer. On peut toujours poser des hypothèses, voir le Mal qui est en chacun de nous se libérer et être légitimé pour raison d'état, se dire que nous restons coûte que coûte un être sauvage, une sorte de monstre, de Minotaure dont la mince couche de vernis a craqué... vite et bien, pour réveler la vraie nature, l'état de nature... Violence, haine, destruction, de-s-humanité.
Se qui se cache ne tient pas, ne tient qu'à un fil, celui de la vie ou de la mort, une bombe à retardement. Et si on se trompe de fil, elle explose...

Mais encore ? Mais toujours
Depuis plusieurs mois je m'intéresse à la guerre 14-18, cent ans déjà ! Cent ans et pourtant. Depuis ce temps j'essaie de comprendre le quotidien de ces hommes sur le Front, sur les champs de bataille, mais pas seulement, car la guerre n'épargne rien, elle est rapidement partout, et l'arrière s'efface pour laisser la place à une guerre totale, sans pitié. Il ne reste plus rien d'humain, d'humanité dans ce carnage, dans cette tragédie où tout n'est que ruines et ravages.

Pourtant ! Tout se mettait en place pour l'homme, son confort, son avenir, son plaisir. Le progrès, celui que la "civilisation" était sensée  lui offrir, lui donner pour réduire la peine, le travail.
Profiter. Aspirer à une autre forme de bonheur que ce progrès devait apporter, apprécier la vie, les choses de la vie....
Pourtant ?
Encore pourtant.. Pour tant de progrès, d'avancée sur le chemin du bonheur, de la vie aisée, de la douceur de vivre. Pour tant ?
On dit souvent que cette maudite guerre est arrivée car tout avait été tenté en vain !
Qu'elle était la seule issue à un conflit qui rodait lui aussi, comme la mort toujours prête à sauter sur sa proie, comme si les hommes ne pouvaient jouir sans honte, sans peine et culpabilité du bonheur et de la paix qui l'accompagne ?
Comme s'il était nécessaire que la pulsion se décharge et libère la violence qu'elle n'en pouvait plus de contenir.
Contenir ce qui ne tient plus..

Mais la guerre se décide et contraint ceux qui ne l'ont pas décidé à être en première ligne, à donner, à gâcher leur vie qui ne leur appartient plus
Montre t-elle alors les limites ou les illusions de la liberté de l'être, de la singularité, du désir d'individualité et par là de la démocratie ?
Faisant ainsi du sujet libre le fragment d'un tout  qui ne peut être que totalitaire. Un pour tous, mais jamais tous pour un.
Le un n'existe plus, mais a t-il seulement existé.. Illusion ? Encore
L'homme n'est plus, il devient in humain, il lui faut sortir de l'Humanité et du monde des hommes pour rejoindre les champs de bataille ?
Soldat de plomb et de larmes qui le plombe au fond des tranchées de l'horreur et de la boucherie, avançant à la mort sans savoir vraiment pourquoi ? Etre là ? Plutôt qu'ici ou ailleurs, sans l'avoir voulu, décider, obéir, servir, mourir, crever... !
"La guerre c'est moche",  me dit un jour un étudiant... Oui, c'est toujours moche, il n'y rien de plus barbare. C'est l'esthétique de l'horreur, la fascination du Néant, la marche vers l'Enfer qui est sur terre, car la seule issue est d'en finir...
Vie, vies sacrifiées sur l'autel de la sauvagerie, de l'inhumanité, de l'hypocrisie des hommes qui ont la certitude de défendre un bout de terre qui leur appartient.
Illusion encore ! La guerre nous montre l'homme tel qu'il est, à l'âge de pierre, à l'âge des Origines, l'homme de la horde qui se donne des airs civilisés sous de beaux habits dorés en usant d'un langage châtié, comble de la perversion ...

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

samedi 21 juin 2014

Détail

"Mot que le mal de la banalité a mis à l'index, qui ne peut plus être prononcé sans une certaine appréhension, dont la représentation n'est plus la même tant l'acception et le détournement infâme et odieux l'ont fait glisser de sens, l'ont précipité vers la nausée."

Telle en est à présent ma définition.

Encore un ! Mot, idée, phrase, concept... Banalisé, usé et abusé, mot violenté et violé.. Mot capturé, kidnappé et ajouté à une longue liste qui permet de mettre en mot une idéologie nauséabonde.

Mot qui implique une représentation douloureuse, manipulé et instrumentalisé à des fins haineuses, mauvaises, toxiques et perverses.

Dérapage ?... !
Mot de la langue perverti par les pulsions de mort de ces sujets qui n'ont que leur haine à offrir en partage, puis qui s'en expliquent et s'indignent : l'interlocuteur a encore une fois du "mal comprendre"..
Mal entendu, ce mal dit... ?
Sûrement pas, ne soyons pas dupes !

Ustensilisation des mots, des propos et des consciences. Grande Messe de la raillerie et de l'insulte, mal de la banalité encore une fois. Toute puissance et impunité assurées... Le discours se relâche et se lâche, ainsi l'escalade de l'intolérance est à son comble. La violence également. L'insécurité rode, tout comme le crime qu'elle permet et légitime.
Le lien social peut-il encore tenir bien longtemps devant un tel discours "identitaire" ? Ou celui ci ne serait qu'un détail ?... Lui aussi ? Curieux retournement de la situation ?

Oui, certains mots dans la bouche de certains sujets prennent un certain sens, une certaine couleur, une certaine odeur...
Ces mots dits ne me plaisent pas, tout comme la haine et le rejet de l'autre qu'ils génèrent. Incitation à la haine et à l'intolérance, ils sont le relais de l'emprise, et des pensées qui s'autorisent dans toutes les sphères de la société, politique, sportive, culturelle. Dans l'espace du sujet humain qui ne sait plus "vivre ensemble", qui ne veut plus vivre ensemble. Ils prennent origine dans le Mal pour se dissoudre dans le quotidien le plus banal, au détour d'une conversation, d'une plaisanterie ou d'un discours...
Mais voilà le mot est dit, lâché.. Avec ce qu'il sous entend et ce qu'il sous tend !
Mot jeté en pâture, jouez, alimentez, réjouissez vous ! Faites et fêtes en ce que bon vous semblera ! C'est à vous !

Le détail est un mot fort, qui prend tout son sens et toute sa puissance dans le discours dont il est lui même le détail. Elément de rhétorique il n'échappe pas à l'écoute, à l'ordre des mots et à leur sonorité, il résonne et donne le ton, il s'accorde ou pas, selon certains rythmes, certaines cadences. Il se scande et se chante, se marmonne ou se hurle, se crie ou se murmure, coule ou coince, se coince et se noue au fond de la gorge. Il sonne faux !
Surtout quand il marche au pas de l'oie...

Le détail est un mot qui à présent dérange, un mot dont le son à une certaine résonance, une certaine  raisonance. Il appartient alors au registre trop familier du discours de l'intolérance. Celle de l'autre encore une fois. Minorant, minimisant, détail de l'histoire et histoire du détail qui se fond sur le fond et se tient sur fond de rhétorique mais usé et instrumentalisé de telle sorte que celui qui le dit lui donne ce sens qui sent le souffre et le diable qui lui insuffle.

Lors d'un dernier dérapage car l'euphémisme est à la mode, (d'usage fréquent en ces moments de troubles, de lien social distendu et tordu) certains s'insurgent et clament fort qu'on ne peut plus dire quoi que ce soit, user des mots sans que certains -qu'ils ne nomment pas mais désignent cependant- y voient ce qu'il ne faudrait pas y voir.
C'est donc qu'il y a quelque chose à y voir, un quelque chose qui ne serait pas beau à voir. Projection encore, perversion de la langue,des mots et du discours.
Perversion tout court !

On ne s'en sort, pas on nage dedans sans même savoir vraiment nager. On ploie sous le poids ! Faire de la victime un assassin, pratique courante chez le pervers qui se repait et jouit à n'en plus finir de lire dans le regard de celui qu'il provoque la stupeur, l'effroi et surtout l'incompréhension.
Ce discours est un détail, et la vie n'est qu'une somme de détails plus ou moins bien assemblés, une fournée de détails... Mots qui se tordent d'horreur, mais dont personne ou si peu osent en relever l'essence diabolique, malsaine et toxique.
L'histoire est une somme de détails, de génocides, de meurtres, de tragédies, de guerres, de tueries, de sang...Et d'horreur. L'homme est au coeur de son histoire, chaque jour est son oeuvre, il n'en tire aucune leçon, et n'en détaille aucune mesure.
Une transgression dont ils se délectent et jouissent. Etymologiquement transgresser est le fait de traverser, franchir, aller au delà des limites, au delà de l'interdit posé, nous en avons déjà souligné toute l'importance. C'est le franchissement de cette ligne jaune qui fait que le lien social encore une fois peut tenir. Mais peut-on en revenir ? Après ? Peut-il y avoir un après ? Ou bien ce pas en dehors du cadre est-il une mort ? Une mort non seulement du mot mais de la langue, celle qui fait corps ? Ce pas est-il une avancée vers ce Styx mystérieux dont on ne revient jamais ? Cet autre côté qui est peut-être ce côté le plus sombre de l'homme ? Du sujet qui se retrouve alors du côté d'avant l'Humanité, d'où il n'est vraiment jamais sorti ? Cette relation forte, cette tentation du Mal résidant peut-être dans cette résidence là, au fond de la Horde insécuritaire, mais identitaire ? Une Horde sauvage où tout peut être permis ? Sauf le remords et le regrets ?
Est-ce alors seulement un détail ?
Pour l'historien tout détail n'est pas rien, puisque l'histoire en est la Somme ce grand tout qui fait l'histoire des Hommes. Ce détail qui change tout, qui change le visage d'une vie ainsi que d'un monde. Ce détail qui fait que le monde d'après ne sera plus jamais comme avant...Ce qui en fait sa particularité, un détail de la langue... !
Un détail.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

dimanche 15 juin 2014

Merci

Un simple petit mot : Merci, mais qui engage, qui noue, qui entretient le lien social.
Un de ces petits mots désuets qui fait sourire, parfois, qu'on oublie, souvent,mais qui pourtant est essentiel. Pour soi, pour l'autre, pour nous, pour tous.

"Bonjour, bonsoir, bonne journée, ça va ? S'il vous plait, merci.."

Simple comme bonjour et pourtant pour certains, pour beaucoup trop ça ne va pas de soi.
Alors pourquoi ?
Ce qu'on nomme pudiquement "compétences, habilités sociales" sont des règles de savoir vivre.
Savoir vivre : Encore une expression qu'il convient de décomposer, d'analyser, c'est pourtant simple encore une fois : Savoir vivre avec les autres, et avec soi même. Aussi, condition première peut-être.
Cela implique le respect ; du respect, pour les autres et pour soi, l'un n'allant pas sans l'autre non plus.
Ainsi va la vie, ainsi va le lien social qui fait que l'homme sorti de la Horde devient sujet humain, membre d'une communauté, d'une société. Qui fait des je le nous.
Alors merci ?

Il convient une fois encore de remonter aux sources, à l'origine et à l'histoire du mot, une expérience non seulement intéressante mais essentielle et indispensable si on veut comprendre la représentation de ces cinq lettres pour chacun d'entre nous.
Dire merci c'est s'acquitter de la dette, ne plus rien devoir, en rester là être quitte, ne pas être en compte, solde de tout compte.
Dire merci c'est reconnaitre l'autre, ce qu'il nous a donné, apporté, prêté et le lui dire.
Pourtant l'histoire de ce petit mot est bien loin de cette acception là, de cette représentation contemporaine. Etre à la merci... Etre soumis, être entièrement sous la dépendance de...
Etre... !

S'il est question de la dette, il n'est pas question qu'elle soit soldée, au contraire, car si ceux là sont en compte, il est loin d'être réglé. Il y a ce rapport de forces, cette inégalité qui ressort avec violence de ces cinq lettres là. "Merci". Ainsi corvéable à merci...Il n'y a rien à l'horizon qui puisse y mettre un terme bien au contraire, c'est une répétition, une mal édiction, on n'y peut rien

Pauvre peuple ! Corvéable à souhait, mais à la merci de qui ? Loi du plus fort ? De celui qui détient ce qui fait le pouvoir, pouvoir pris, ravi au plus faible ? Pour le dominer ? Et le réduire à merci, à sa merci.

Cette lutte est sans merci... Aussi, alors à quoi bon ?

Y aurait-il de cette résurgence, réminiscence sourde, trace indélébile de cette représentation du passé qui germe encore dans les coeurs, dans la mémoire de celui qui ne peut se résoudre à...
Ou bien simple oubli ?
Défaut d'éducation, perte des valeurs, des repères, du cadre, des limites, de la représentation, de la symbolisation, de la perte ?
Bien sûr il y a de ça, bien sûr il y a du manque, de l'absence de transmission, mais une fois encore que peut-on transmettre quand on n'a rien reçu ?
A quoi bon remercier... !

Il faut rappeler quand même avant de conclure que l'étymologie de ce joli petit mot signifie "salaire,récompense, solde" d'où le sens médiéval où son sens le plus fort était grâce et miséricorde (demander merci)...
A méditer donc, sans oublier de dire "merci".

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne

dimanche 8 juin 2014

Dérapage

Un billet d'humeur
Une réaction à l'actualité
Une colère face à la haine, la stupidité mais aussi et surtout la perversité
Celle d'un homme qui dérape, qui sort du sillon, du chemin pour dire, sous forme de plaisanterie, sous une bonhomie sidérante et effrayante. Dire en toute impunité les mots de l'horreur
Alors dérapage ?
Terme employé pour minimiser, euphémisme pour masquer l'indécence et l'immonde
"Mais ce qui est dit est dit", disent les enfants. "Donner c'est donner, reprendre c'est voler"
Comme ces aphorismes raisonnent et résonnent
Comme le son de ces mots est juste
Donner du sens, offrir au peuple sa haine en partage, signe d'amour, d'alliance et de ralliement ?
Puis reprendre les mots, les mots échappés ? Non même pas, les mots assénés, en toute conscience, connaissance !
Alors de qui se moque t-on ?
Nous le savons, mais qui ose le dire ? Qui ose dénoncer cette intolérance au nom de liberté de tout dire, de tout moquer, de tout tourner à la dérision qui n'est que déraison ?
Mais pas tant que ça, chaque mot est pesé, sous pesé, sur pesé. Dixit
Chaque mot est étudié, mis en scène et en acte. 
Nous voici devant l'horreur qui se clame et se déclame devant des spectateurs, outrés,ravis aussi, qui entendent tout haut ce qu'ils disent aussi peut-être, mais surtout ce qu'ils pensent sans oser le dire. Le mal ainsi libéré peut se propager
Ouvrir la boite de Pandore !
Boite à milice, et poubelle de la pensée meurtrière, celle de la non reconnaissance de cet autre, intoléré car intolérable encore
Mots pervers, perversité du mal, banalité du mal, mal de la banalité
Affront, humiliation, insulte, violence...
Mal, pulsion de destruction et de haine, instrumentalisation de la bêtise et de la crédulité de ceux qui ne savent penser par eux mêmes. Pour qui le mal est une jouissance, un désir, le seul qui les fait vivre !
Honte, mais qui s'en soucie ?
La perversion comme la pornographie a un nouveau visage, une nouvelle voix et une nouvelle voie, le chemin de la haine est souvent plus simple que celui de la sagesse, qui demande une tenue impossible quand il n'y a plus de cadre ni de limites
Quand tout ce qui fait le lien social, ce lien tenu mais qui justement doit être maintenu explose, vole en éclat.
Quand la Loi ne remplit plus le rôle que le sujet attend
Quand tout fout le camp... Nous avons ça !

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne.

dimanche 1 juin 2014

La nouvelle pornographie

Pornographie... Moderne ? Nouvelle ? Quid ?

Serait-ce cette nouvelle manière de se mettre en scène et en actes de se montrer à voir à l'autre, autre qui paradoxalement n'est pas, n'existe pas, est gommé, rayé du champ de l'autre, de son espace ?

Cet autre là, témoin de l'exhibition, de cette représentation de soi obscène et sans limite, témoin malgré lui la plupart du temps. Spectateur pris en otage ? Ou spectateur complaisant, qui malgré tout se repait de cette image qu'il n'a pas sollicitée ? Mais qui lui est montrée à voir de plein fouet.
Supporte ? Ou non ? Mais qu'importe ?

Témoin involontaire et victime ?

Non voyeur il se doit de supporter l'image qui lui est renvoyée. Supporter. Il en est le support envers et contre tous.
Alors quid de ce besoin de montrer, à voir, à entendre, de se montrer dans le plus simple appareil, dans sa nudité crue, celle du corps, mais aussi et surtout celle de l'âme, dénué de pudeur, de cadre et de limites, dénué de tout, de bon sens commun, de sens commun tout court, dé noué ? Car dans toute pornographie il y a de l'indécence, de l'obscénité, de l'immoralité, de la grossiéreté, de l'indignité.

Quid de ce besoin singulier de se mettre en scène, pour être et avoir, avoir l'être qu'on voudrait être peut-être ou qu'on voudrait avoir à donner à l'autre, qu'on implique, qu'on met dans le coup... Sans même lui demander son avis.
Pornographie partout, à la ville, à la campagne, à la plage et dans la rue;
Seul au monde. Seul en Eden ? En ce paradis perdu... Peut-être ?
Peindre, écrire, décrire, c'est l'éthymologie grecque qui le dit. Mais il y a aussi la tolérance, ce qui n'est pas dit. La tolérance, un peu comme la maison, lieu clos... où ce qui est peint, écrit et décrit peut l'être..
Lieu clos, maison close de la monstration à l'autre, qui pénètre l'intime et l'intimité car il en est l'invité, car il y est invité ?

Il est donc encore question de soi, et de l'autre, de l'autre et de soi, de cette relation impossible, intenable souvent, compliquée et complexe toujours, l'un ne peut être sans l'autre et réciproquement, l'un est l'autre, et l'autre et l'un. Couple infernal lui aussi... L'enfer c'est l'autre, mais on est toujours l'autre de quelqu'un qui à défaut d'être notre hôte est parfois un autre bien encombrant.

La pornographie : Cette nouvelle pornographie qui est d'infliger à l'autre une image de soi qu'il ne veut pas, qui ne l'intéresse pas. Lui imposer et s'imposer alors sans limite, sans la moindre éducation et sans le moindre souci de son existence. De la gène qu'on peut lui occasionner.

"Il se croit tout seul sur terre" lance un ado à propos d'un "autre" génant, bruyant "bref tout seul"... Car tout seul le pornographe se croit. Et c'est bien là que ça coince, que ça heurte, que ça cogne...
Tolérance, respect, limite, nous y voilà encore, et encore une fois.
Ce qui fait le lien social, ce qui fait que celui ci peut tenir, du moins rien qu'un peu, un tout petit peu, et pour que ce lien tienne il faut y mettre du sien, chacun du sien au moins un peu, rien qu'un petit peu.
La liberté toute n'existe pas, ne peut-être, sinon au risque de museler celle de l'autre. Des autres qui sont eux aussi.
Car la nouvelle pornographie n'est pas que sexuelle, elle est,tout simplement partout, perverse, détournée justement de son objet pour être montré à voir autrement et ailleurs. Il y a toujours de la violence. Celle de soi à l'autre, celle de soi faite à l'autre. Une violence infligée.
Une violence de tous les jours, banale, une fois encore et nous savons ce qu'est ce mal : Celui de la banalité, nous savons aussi ce qu'est cette banalité : Une forme insidieuse, sournoise, toxique et perverse du Mal.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste.

mercredi 21 mai 2014

Le mal de la banalité

La banalité...
De ce qui est banal on ne parle pas, justement parce que la banalité ne vaut pas qu'on prenne cette peine là.
C'est : Ainsi, comme ça.
Alors pourquoi prendre la peine :
De remarquer, d'en parler, de souligner ?
La banalité, le quotidien, ce qui se fait, ce qui se dit sans prendre garde, sans marquer un temps d'arrêt pour le penser, penser pour simplement faire des liens ?
Le banal n'interpelle ni ne questionne !
Le banal est sans intérêt
Et pourtant !

La banalité du mal, le mal de la banalité.
Tellement banal qu'il est comme le parcours : banalisé, comme d'habitude, sans rien d'exceptionnel, sans rien qui ne suscite l'attention ou/et le regard. "Normal" !
Pire que la transparence peut-être, en tous cas tout aussi toxique, plus peut-être car si la transparence fait mal, la banalité est le mal.
Hannah Arendt soulignait l'importance de cet ordinaire qui faisait que le mal soit banal, à la portée de tous, sans prédisposition particulière. Le mal est la portée de n'importe qui, n'importe quand...
Alors pourquoi parler du mal de la banalité, puisque le mal est lui même banal ?

Peut-être parce que tout nous montre cette banalisation, cette trivialisation d'un quotidien qui ne devrait, ne doit pas être ordinaire.
Des actes posés, des agressions, des violences, des mots de trop et en trop, des mots qui font mal, qui blessent et qui tuent.
Des mots qui assassinent sourdement, insidieusement, qui sont dits, donnés, balancés comme autant de balles perdues dans un champ de mines, mine de rien, car l'auteur de ces/ses mots ne se rend pas compte de leur portée, il ne cible même pas, tireur aveugle mais toujours embusqué dans l'angle mort.
C'est pour cela qu'il ne rate pas son coup, et il ne tire pas à blanc.

La perversion se loge peut-être là, dans cet angle là qui s'il est mort, ne l'est pas tant que ça, mais en tous cas ne se voit pas, car il est banal. Lui aussi.
Il a toujours été là, tellement là qu'on ne le voit pas.
Qu'on ne le voit plus, qu'on ne le devine pas, qu'on ne l'imagine pas.
On se dit qu'après tout ça, après ces devoirs de mémoires, aprés ces cours d'histoires, ces livres,témoignages, romans,essais,articles, émissions, films ..
Après tout ça, plus jamais ça ! Et pourtant ce "ça", cet immonde "ça" ce "ça" immonde est là, toujours là et ne rode même plus, mais s'affiche partout, sur les réseaux sociaux (vaste terrain de chasse, espace libre et lubrique où la perversion et la perversité peuvent donner libre cours à toute leur expression ) sur les affiches, tags, propos, lapsus, dessins etc...
Ils sont partout ! Mais qui sont-ils ?...
Qui se cachent la plupart du temps derrière le masque du mal, qui s'offre et offre cette mascarade ? La mal, monstre qui rode et qui s'infiltre au quotidien, lentement, on ne le voit pas venir, on ne l'entend pas, on ne le sent pas prendre possession du corps, du corps social pour tordre et délier le lien social.
Le Mal est au coeur de l'homme, ce n'est hélas pas nouveau, la banalité du mal non plus, le monstre sommeille et ne demande qu'à se réveiller.

Mais ce mal de la banalité ? Ce conditionnement, habitude, cette indifférence qui fait toute la différence. Ce mal de la banalité qui pour être combattu demande au lien social d'être liberticide ? Pour protéger, protéger du mal, de la banalité de ce mal devenu banal ?
Comment faire pour que ce ne soit plus une évidence ? "En usage"... ? Comment être vigilant devant ces banalités, lieux communs et dits. Mots dits et de travers ? Pour traverser l'interdit qui se transgresse si aisément que le sujet ne réalise qu'à peine qu'il a franchi la ligne jaune, terrible frontière qui l'emporte vers... ? Vers ?
C'est peut-être cette facilité là encore une fois qui interpelle et que nous nous devons de convoquer.
Banalité du mal qui engendre et génère le mal de la banalité ?

Brigitte Dusch, Historienne, psychanalyste.

dimanche 11 mai 2014

Tout de suite ! 3

Et les enfants ?

Et les enfants dans le "tout de suite", l'immédiateté ?
Une bonne question ?

... Maintenant, tout de suite, satisfaire le désir immédiat immédiatement et parfois aller même au devant de ce désir là, tuant dans l'oeuf ce possible désir qui n'a eu le temps ni de voir le jour, ni de s'exprimer.
Au devant, pour qu'il ne manque pas, éventuellement.

Ah cette peur de manquer...

Manquer soi même au risque de manquer l'autre, de manquer de l'autre... Au risque de se manquer ?

Alors pour l'enfant, roi de la famille, du monde et de la planète, nous le savons tous, rien n'est trop beau !
Un espèce de "no man's land" de "no limit", car cet enfant là, précieux oh combien ! Il faut qu'il ne manque de rien !
Il lui faut "Tout".

Dans de précédents articles je me suis longuement exprimée sur ce "tout de suite", sur cette attente qui comme parfois le silence est devenue insupportable.
L'immédiateté qui satisfait le désir tout de suite, si désir il y a . Envie, pulsion..Je veux !
"Je veux" : Justement !

L'enfant qui veut ; ce jouet, ce jeu, ce bonbon, cette friandise et qui s'il ne l'obtient pas dans la seconde, ne comprend pas ! Alors il exprime cette incompréhension en une colère, des pleurs, des cris mettant dans l'embarras des parents honteux de ne pas avoir su répondre et assurer le bien-être de leur rejeton !
"La frustration aide au développement" nous enseignait-on en psycho infantile !
Ne prenons pas cet aphorisme au pied de la lettre, mais au contraire développons en l'argument.
Frustrer, repousser, différer, refuser, dire non ! Tellement difficile, parfois voire même impossible !
Dire non ! Dire pas tout de suite, chaque chose en son temps.
Dire non est frustrant peut-être davantage pour celui qui doit le dire. Dire non serait-il alors le constat d'un échec ? Celui de ne pouvoir donner ? Offrir ?
Dire non : C'est risquer, se risquer à...
A quoi ?
A perdre l'amour de l'autre ? De l'enfant qui menace : "puisque c'est comme ça je ne t'aime plus, tu es méchant..."
Ne pas oser de peur de perdre...
Cette perte là ? La peur de cette perte là, de cet amour si mal habile qui ne peut se frotter aux "habilités sociales" sans le risque de se perdre, de se dissoudre ?
Amour fragile ? Perte impossible ?

Ne pas tout permettre, délimiter un cadre, ce qui est, ce qui n'est pas, ce qui se fait, ce qui ne se fait pas.
Attendre.... Il y a un temps pour tout !
Nombre de parents me disent : "Il est impossible, n'écoute pas, ne reste pas à table, fait des colères..."
Et de décrire de vilains petits monstres désobéissants, colériques et insultant des parents démunis devant des situations devenues ingérables...
"Je l'ai trop protégé... c''était le petit dernier,( ou le premier)... Je veux lui donner ce que je n'ai pas eu...Je veux qu'il ne manque de rien... Je veux qu'il soit comme tout le monde...Qu'il ait ces chaussures à la mode... etc..."
Excuses, explications, ré assurance... Pour ! ?

Manque encore, manque qui se transmet, parfois seul héritage et lourd fardeau qui se traine de générations en générations.
Aimer n'est pas tout donner, tout accepter, tout permettre !
Ne pas oser dire non par peur de ne plus être aimé, d'être quitté..
Alors ?
L'enfant, nous le savons, mais peut-être pas encore assez, a besoin d'être rassuré, d'avoir un cadre, des certitudes, des limites.
Il doit le savoir, les adultes sont là pour ça, pour éduquer ce "petit pervers polymorphe".
Lui donner une éducation, ce code nécessaire au lien social. Sans le quel il ne pourra évoluer sûrement, sécure et confiant ! Sans lequel il ne pourra vivre parmi ses semblables, accéder à.

L'amour s'il est essentiel ne suffit alors pas, il a besoin de ce cadre là, de cette éducation là de ces limites qui doucement mais sûrement doivent être posées.
Le" non" est non seulement nécessaire mais indispensable..
Essentiel à l'adulte en devenir !
Comprendre qu'on n'obtient pas tout tout de suite; qu'il faut du temps, pour apprendre, réussir.
Lorsque le net, la télévision n'existaient pas, les enfants jouaient... Quand même ! et heureusement
Jeux de société, histoire, lectures, soirées au coin du feu, avec les parents, les amis..
Dans les cours de récréation on jouait à la marelle, on faisait des rondes et chantait "'bonjour ma cousine..."
On apprenait à prendre le temps, à s'offrir le temps, à remettre cent fois sur le métier son ouvrage.
Mais de nos jours, il faut satisfaire le moindre désir de l'enfant tout de suite ! Les publicités regorgent de ces enfants tyrans et insolents exigeants des marques de yaourts ou de biscuits devant des parents terrifiés et ridiculisés.
Une bonne fessée ! me dit un jour un ami agacé par ces stupidités !
Eh oui, ce monde qui laisse à penser et montre à voir que tout est possible, tout de suite maintenant n'apprend rien et n'aime pas ! N'aime pas l'autre
L'autre qu'il soit enfant, adulte ou adolescent se voit alors relégué au rang de client potentiel générant un possible chiffre d'affaires !
Car c'est aussi ce paramètre là qui entre en ligne de compte, l'argent que ces possibilités de satisfactions immédiates rapporte aussi... Tout de suite !
Faisant fi de la qualité, des valeurs,de l'éducation, de la transmission...
Oui, il faut s'en inquiéter, que dis-je ? Oui, il faut réagir et s'élever comme on peut contre Ces injonctions, ces dicktats d'une société malade aux frontières de la folie !
Comment l'enfant peut-il apprendre à écrire, compter, lire .. Vite ! Immédiatement, comme le voudraient leurs maitres et l'espèrent leurs parents.
Il faut après l'école courir à la musique, au chant, à la danse, au judo ou à la salle de gymnastique ? vite, encore vite
Plus le temps de vivre, de respirer, de voir, de sentir... Tout, tout tout de suite !
Pause ! récré !
Oui, inquiétons nous et prenons le temps de vivre, de prendre le temps et de l'offrir à ceux qui nous entourent
Apprenons leur que tout ne s'obtient pas, ou pas toujours, pas immédiatement en tous cas, qu'il faut des années et des années, du travail et de la persévérance pour devenir grand !
Qu'il faut apprendre la patience, qu'un simple clic ne fait pas de l'enfant un enfant heureux
Que regarder la nature, apprendre le nom des fleurs, des arbres et des oiseaux est une infinie richesse !
Que la vie, si on prend la peine de la vivre en prenant le temps de s'arrêter est un réel cadeau
Offrons cela à nos enfants. Le plus beau des cadeaux peut -être ?

Brigitte Dusch, psychanalyse, historienne.
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Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

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