Psychanalye Aujourd'hui

Le blog de Brigitte Dusch psychanalyste historienne

Accompagner le désir d'être Soi
Le sujet humain est singulier, son histoire est unique, l'analyse lui permet de partir à sa rencontre et de tisser les liens, de prendre rendez-vous avec soi.

"J'accepte la grande aventure d'être moi". Simone de Beauvoir

Mon livre : "j'aime ma vie"

samedi 4 mai 2024

Lettre à Gustave 1


Lettre écrite en 2018

Gustave,


Tu vas sans doute penser que j'en ai mis du temps : un peu plus d'un an maintenant, mais je suis longue, parfois, surtout quand je suis bouleversée, ébranlée, quand cela me tient à cœur, me prend toute l'âme, quand les larmes trahissent mon émotion, même si je te parle tous les jours, un peu comme Marguerite le faisait, dans son jardin, dans sa maison, partout, mais je n'arrivais pas à t'écrire, à mettre les mots, même si ces mots , ces phrases, dansaient et s'assemblaient dans ma tête, le soir, avant de m'endormir. 

Alors je me suis mise au travail, pour tenir ma promesse. Je suis de ceux pour qui la parole a un sens, comme toi, nous sommes des êtres de devoir. Cette promesse, que je t'ai faite, assise devant toi, dans ce chemin en cette fin de journée d'été. Tu te souviens n'est-ce pas, celle que je t'ai faite, là à Soupir où je suis allée te retrouver.

Là, en ce moment je peux prendre la plume, te parler, ça va à peu près, je ne pleure pas, pas encore. Je peux mettre les mots, te raconter, même si je suis certaine que tu le sais.

Sacha m'a demandé, où tu étais, comment c'était, je lui ai répondu, montré les photos. il était ému, comme moi. Je lui ai dit aussi que tu m'avais tenu la main, lorsque je suis descendue du plateau de Californie, moi qui ai le vertige, je n'y avais même pas pensé, mais je ne voulais pas te décevoir peut-être ? J'aurai eu honte de me plaindre. Tu étais là, prés de moi, et je n'ai pas eu peur. 

Voilà Gustave où nous en sommes, je reconstitue pour écrire l'histoire, la tienne et celle des tiens, je découvre et lorsque j'en saurai un peu plus je te tiendrai au courant. Je te dirai quoi comme on dit chez nous. Mes recherches sont chaotiques, parfois il m'est impossible d'aller plus loin, je suis obligée de laisser, là, en plan, je n'y arrive pas, quelque chose bloque, me bloque, une crainte, une peur, je ne sais pas exactement, comme si je voulais, je devais prendre mon temps. Mais le temps ne l'avons nous pas ? Maintenant, est-ce urgent ? Comme si je voulais bien faire, aussi, une recherche de perfection, mon plus grand défaut, ma plus grande qualité aussi quand j'arrive à trouver le juste milieu, le raisonnable. 

Je ne suis peut-être pas un excellent détective, mais j'ai de la chance, jusqu'ici ta main (ou celle de Marguerite, ou les vôtres) me guide encore, et m'arrête là où il faut lorsque j'erre dans ces liasses énormes de registres et de fiches. Il y a des manques, tu sais, car beaucoup de documents ont été détruits mais je ne désespère pas, je crois en la chance et en notre étoile. Elle brille tous les soirs dans le ciel. Je pense à toi. A ce moment là. Peut-être un peu plus.
Gustave tu occupes mes pensées souvent, je ne sais pas vraiment pourquoi, si loin tu m'es pourtant si proche. Je me pose tant de questions ? Ai-je le droit ? Dois-je faire ça ? De quel droit ? Est-ce à moi ? Mais qui d'autre le ferait ?

Tu as été un homme de devoir, je suis ainsi également, Marguerite m'a transmis ça : le sens du devoir, de l'honneur, de la parole donnée. Alors je poursuis le chemin qui me conduira au plus près de toi, nous y allons doucement Sacha et moi, à notre rythme, pas de la même manière, mais nous y allons, nous allons à ta rencontre, nous allons vers ton histoire pour l'écrire, la mettre en mots, pour que nul n'oublie. C'est notre devoir, bien maigre consolation… J'en conviens


Il me faut bien poster aujourd'hui cette lettre, écrite il y a longtemps, depuis tant de choses se sont passées, et tu le sais car tu en es sûrement à l'origine, rien de se perd dans l'Univers, rien ne se dilue vraiment.

Il me faut bien poster cette lettre, ces mots ont été les miens à cet instant.

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch collection privée

vendredi 5 avril 2024

Exil




A tous les exilés de leur Heimat et de leur Etre
.

Exil !
 
La solitude ne condamne pas forcément à l'exil, mais l'exil entraine la solitude. 
Sûrement... 
 
L'exil ? Qu'est ce que l'exil ? 
Partir, quitter sa terre, sa demeure, pour un ailleurs que l'on espère meilleur ? 
C'est une question de place ? 
Qui n'a plus de raison d'être ici et maintenant, et qu'on espère possible dans un ailleurs et futur ? C'est ce qu'exprimaient les nombreux exiles, réfugiés politiques, fuyant la guerre, le totalitarisme que j'ai rencontré, que j'ai écouté.
 Dans l'exil alors il y aurait de l'espoir. Du moins dans le désir d'exil, dans sa possibilité, dans le souhait de ce partir, dans l'acte, dans l'action. Dans ce désir d'action. Ce serait un mouvement, d'un point de départ à un autre. Oui, si on considère l'expression "partir en exil " Mais "être en exil", suppose que le mouvement a bien eu lieu, que l'action est effectuée, actée, et que nous sommes à présent dans l'ici et maintenant, celui désiré, que l'action est terminée. Une sorte d'inaction alors maintenant. Un état. Etre, verbe d'état ! En état permanent ? Exil, exilé, déporté, réfugié, déraciné...

Tous partis d'un point de départ insupportable, d'une position plus tenable pour un ailleurs supposé meilleur. 
Exil/asile On part, on quitte pour demander asile ailleurs Dans un ailleurs pas forcément choisi. Pour ailleurs ? Quel que soit cet ailleurs, on laisse toujours et on perd toujours. Je ne sais si on perd au change, comme on dit, mais qu'est ce que le change ?
 
L'ailleurs...? Il peut être en nous, nous sommes parfois si étranger à nous-mêmes. En exil de nous-mêmes. C'est aussi, peut-être une question de place, trouver sa place, être à sa place, avoir une place. Un patient m'a dit un jour, ne pas avoir de place ici bas. Qu'il n'en n'avait jamais eu, puisqu'il n'avait même jamais été désiré quand il est venu au monde "accidentellement". Alors on tourne et on se retourne vers la question du désir, vers le désir, le désir de l'autre, puis vers son désir à soi. Mais comment avoir du désir, se désirer, un désir, si l'autre ne désire pas, ou ne nous désire pas ? L'exil est aussi une souffrance, une des pires peut-être ? Si la souffrance peut se mesurer, se comparer ? la souffrance est singulière, une expérience subjective, propre à chacun de nous, nous la subissons et/ou la sublimons comme nous pouvons, ou comme nous le décidons, si nous décidons de le décider. Encore faut-il avoir cette envie, ce désir, cette possibilité, et aussi cette pulsion, pas de vie, mais au sens du mouvement, au sens mécanique, technique du terme. 

 Mais comment peut-on devenir étranger à nous même ? En exil de soi ? Et puis qu'est-ce que cet exil là ? Aussi. On part tous de quelque part, pour aller et arriver parfois nulle part. Mais on espère aller dans un autre quelque part, supposé, pensé, rêvé forcément meilleur. Mais il reste quelque chose de nous dans ce quelque part que nous avons laissé un jour, du moins on se plait à le croire, à l'imaginer, à le désirer.. Si fort ! Et on le retrouve dans nos songes, éveillés ou non ! Rassurant que d'imaginer e quelque part là peut-être ? Où l'on ne retournera plus jamais, ou si l'on y revient on ne le reconnaitra pas, plus, car il ne ressemble plus à celui qu'on a quitté, et on se rend compte que la vie continue. Sans nous....Sans nous ! La question est pour certains de savoir quelle trace ils laisseront de leur passage ? ou ce qu'ils en emporteront ? Mais rien ! Car emporter, c'est peut-être ça le cadeau empoisonné ? Laisser quelque chose : C'est vanité de croire qu'on manque, lorsqu'on est absent, lorsqu'on est plus là ?

 Présence ? absence ? Expatrié, déraciné. Ces préfixes privatifs, qui privent, mais de quoi ? de l'habitude ? de la sécurité ? Quitter, partir, s'en aller, c'est aussi prendre un risque, pas simple de prendre un risque dans une société qui assure tout, qui assure de tout. Ou presque tout. Il faudrait pour être rassuré, être assuré contre tous les risques, la pluie, le vent, le soleil, la sécheresse, la tempête. 

Quel risque que de naitre ! On risque sa peau chaque jour, à chaque seconde, heureusement qu'on ne s'en rend pas compte, ou pas toujours ! 

 Déracinés.. ? Quelles racines ? A quoi sommes-nous enracinés ? A quoi sommes nous enchainés ? On s'interroge. Et un jour on réalise avec stupeur qu'on à oublié presque la langue. Sa langue ! La langue de ses racines. Pas la langue maternelle. Ce terme ne convient pas. Il ne s'agit pas de mère, bien que !  Je préfére "l'Heimatsprache", à la condition qu'on traduise ce merveilleux Heimat par le foyer, l'âtre, l'intérieur, le soi, l'intime, et non la patrie. Les racines, la langue donc ? Au fond de chacun, au fond de la mémoire, il reste des souvenirs, de cet ailleurs là qui ne sont pas forcément les nôtres, mais seulement ceux des nôtres. Ceux qu'ils nous ont transmis -devoir de mémoire- Souvenirs sanglants, cadeaux empoisonnés, violence et cruauté des hommes. Portes ouvertes malgré nous et qui auraient dues restées fermées, mais qui sont ouvertes. Et il faut faire avec ! Il faut faire. Faire avec... Des bribes, des restes et des ruines, des lambeaux de souvenirs. Des murs qu'on franchit ou qu'on ne franchit pas. Les barbelés existent aussi dans la tête, et il n'est pas plus simple de les enjamber.

 Mais y a t-il un check point ?

Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch

jeudi 4 avril 2024

Le Sentier Noir


Nous avons tous en nous, un Sentier noir, que nous sommes souvent tentés d'emprunter. Le plus souvent on n'ose prendre ce risque. Pourtant.

Prendre des chemins, des sentiers, guidé par la lumière, le soleil, la verdure. S'aventurer encore plus avant, au delà de ce qui est montré à voir, à entendre, au delà des limites, d'un cadre balisé par l'homme ou parfois la nature. 
Ne pas aller trop loin, ne pas aller sur ce sentier interdit
S'aventurer.
Explorer

Mais, 
Se retrouver parfois sans le vouloir vraiment au bord du Sentier Noir, où nul n'est entré, n'a pénétré, surtout pas soi. S'arrêter un instant, car il fait sombre se dire que le temps nous manque, qu'on reviendra, demain, après demain, faire demi tour. Ne pas revenir. Tout de suite.
Mais y penser, imaginer ce qu'il est, ce qu'il cache, avoir peur, désirer, renoncer et puis !
Et puis un jour on se retrouve devant cette béance, là, sous nos yeux, sous nos pieds, ces ténèbres qui découvrent quelques ruines, quelques embûches, qui nous feront trébucher.  Y aller quand même, se faire confiance. 

Entrer, timidement, mais entrer, sans lumière, sans savoir où il va nous mener.

Entrer dans ce sentier noir, marcher vers les fond de ce paysage inexploré, sentier de la mémoire enfouie, abandonnée, laissée là comme ça au milieu de notre nulle part. Mais là, bien là au coeur de soi.

Se dire alors que pendant tout ce temps nous avons fait fausse route, qu'on s'est menti qu'on s'est raconté des mensonges, qu'on a tout inventé, pour pouvoir avancer sur le chemin tracé, bien balisé, sans vraiment se retourner ou alors furtivement, avec quelques regrets, une nostalgie biaisée par des souvenirs tronqués, un tissu ravaudé et mal ficelé, une sorte de patchwork avec lequel on a composé toutes ces années, retissé, rapiécé raccommodé avec des fils colorés, dorés ou argentés, pour un mettre un peu de fantaisie et de légèreté.

Je suis une couturière, et l'histoire est cousue de fils blancs trop blancs peut-être. Combien de fois suis-je allée au bord, sur le bord, tout au bord, un peu pour conjurer le sort et tordre le cou à mes peurs d'enfants.
J'ai réussi, je n'ai plus ces peurs, au contraire, je ne les aies pas vaincues, j'en ai fait des alliées, c'est mieux.

Mais la béance est toujours là, un gouffre qui parait sans fond, mais comment le savoir si on ne s'aventure pas. On croit bien se connaître, mais il n'en n'est rien, on croit seulement, on se rassure, on se convainc. Puis peu à peu on découvre que nous ne sommes pas que ça, mais plus que ça, bien plus que ça. Que ce ça ne demande seulement qu'à être mis au jour. 
Sans peur, sans fard. Cela n'est pas forcément plaisant, car on n'a pas envie d'être ça, admettre qu'on peut faire ça. Mais c'est ça qu'il faut aller chercher au fond de soi, aller sur ce sentier obscur, noir, ces ténèbres qui sont ces fantômes qui nous hantent à chaque instant, nous empêchent d'être, d'être à nous même et de nous habiter. 
Aller sur le Sentier Noir, vaincre sa peur, affronter notre côté sombre, aussi noir parfois que ce chemin sous nos pieds. Eros et Thanatos ne font qu'un, même s'ils luttent sans merci pour être l'un ou l'autre, l'un et l'autre. Et nous sommes ce ça. Alors on se dit à la fin d'un long monologue intérieur : " Je n'aime pas être comme ça, car je ne suis pas ça, je veux être et je suis une bonne personne",  mais il suffit de pas grand chose pour que cette bienveillante personne change aussi vite qu'un ciel se couvre de nuages, et que ces nuages dégagés par une forte pluie ou tempête laissent à nouveau place à un magnifique ciel bleu.
La vie. Le Sentier Noir est un chemin de vie, de mort, de peine, de joie et d'espoir, même s'il est ardu, difficile, impossible parfois, exigeant, contraignant. Mais il vaut le coup, il ne fait pas de cadeaux, on tombe mille fois on se dit que cette fois on ne se relèvera pas, pourtant !
Soit on reste au fond du trou, soit on remonte. Mais pas avant d'être aller au fond, vraiment au fond. Ce qui ne signifie pas qu'on n'y retournera plus, mais l'aventure ne sera plus la même, elle sera différente, nous serons plus fort de cet enseignement qui nous entrainera encore et encore vers une autre expérience de soi. 
Nous sommes un continent obscur, inexploré mais qui ne demande qu'à l'être, à condition de ne pas avoir peur et de se faire confiance.

Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine
Crédit photo @brigittedusch

dimanche 24 mars 2024

Les blessures invisibles

 Les blessures invisibles





Le temps du chagrin...
Un chagrin qui s'estompe..
L'espoir mais pas l'oubli. Toujours dans nos coeurs.
A jamais, car comment oublier. Vivre avec encore, mais vivre quand même, blessures et cicatrices, plaies ouvertes et béantes, qui se ferment et s'ouvrent à chaque souffle, à chaque larme, traces ineffaçables, présentes à la mémoire.
Mais un jour on se tient debout, un jour on fait face à ses fantômes, sans bruit, sans heurts et sans pleurs, un jour on affronte ce moment là sans trop de terreurs, sans trop de peur.
Alors on retourne, on fait le voyage à l'envers
On retourne dans sa mémoire
Et là on regarde
On voit tout en face encore,
Comme une rafale
Mais cette fois c'est toi, c'est moi qui décide
De revivre, de revoir, de ne pas fuir.
Ce jour là arrive, il faut du temps, de la patience, des larmes, de la peur et des pleurs
Il faut attendre longtemps et parfois même cesser d'y croire
Se dire que c'est fichu, que c'est perdu
Se demander aussi pourquoi on est là ?
Mais on y est.
C'est le plus important.
On est arrivé là, alors il faut avancer, encore
Juste encore un peu.
Pour vivre encore, espérer encore...
Avec ça, peut-être, mais avec et ce n’est pas rien. Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine Crédit photo @brigittedusch

dimanche 11 février 2024

Sujet ?



Qu'est ce qu'un sujet ? Qu'est ce que la singularité ?

La singularité est peut-être la dernière liberté qui nous reste, qui reste au sujet.

Si on considère que la liberté est subjective, et si on la place dans un contexte de singularité.
Nous nous heurtons à l'éternel problème de la liberté, de sa définition, de son acception et de sa représentation...
Tout comme l'a admirablement fait Hannah Arendt nous pouvons nous demander

s'il faut au nom des libertés accepter une société égalitaire ? Et par là se poser la question de ce que signifie liberté dans une société libérale, libérale à outrance ?


Se demander aussi si la racine étymologique est la même ? S'il existe un point commun entre liberté et libéral ?
Mais ce serait s'écarter, s'éloigner de la question de la liberté du sujet, principalement de la place du sujet et de la place de la liberté dans la vie du sujet. Cette place est-elle possible ? Le sujet peut-il être libre ? Et libre de quoi ?
La liberté serait elle une sorte de vue de l'esprit, d'hypothèse posée qui ne peut cependant pas se vérifier. Elle se définit selon un cadre et une norme, d'où le paradoxe !
D'où le clivage ? D'où la folie...?
Nulle liberté, mais des libertés ?

Parler du sujet c'est déjà affirmer et poser une acception de cette terminologie. Le différencier du groupe, du collectif, de la masse ou de la foule, qui pourrait se présenter comme la somme de sujets, bien que ce ne soit pas aussi simple que ça.
Une somme n'est pas le résultat d'une opération, pas seulement ça. 1+1 n'égalent pas deux, nous le savons, il y a cette faille entre les deux, qui fait que c'est plus complexe. Qu'il y a entre le 1 et le second 1 une sorte de vide, où vient se loger quelque chose, ce quelque chose qui fait que ça ne colle pas tant bien que ça. Qui produit de l'interrogation, qui appelle du sens.

Un sujet et un autre sujet ne feront jamais une somme, plusieurs sujets non plus.
La somme n'est pas ça, la somme constitue une masse ?
Faut-il composer avec l'idéologie sartrienne de "l'universel singulier",

entrer ainsi de plain pied dans la psychanalyse existentielle ?
Un homme ne serait ainsi jamais un individu, mais un "universel singulier totalisé

et même universalisé par son époque"*

Mais si l'on considère justement cette faille où se loge la singularité. Justement ! La singularité de chacun, son unicité. Affirmer cette singularité est sûrement le seul acte de liberté individuelle que nous pouvons encore poser, ou se risquer à poser. Etre sujet, c'est être libre quelque part, c'est prendre une certaine responsabilité et assumer ses choix, du moins celui d'être un sujet.
C'est prendre un risque, oser prendre ce risque en s'affirmant sujet. Etre acteur.

Mais là où le questionnement nous ramène au réel, et ce retour là n'est pas sans nous interpeller, c'est peut-être et surtout la définition du sujet... Cette définition grammaticale, étymologique, sociologique, sociale, économique, historique.

Le sujet est toujours relié, au verbe, aux compléments, au suzerain, au roi.
A l'autre, à l'Autre.

Le sujet ne peut donc pas être seul, vivre seul évoluer seul ?
il a besoin de l'autre. Il ne serait rien sans lui. Il n'aurait pas de sens et pas seulement sur le plan de la syntaxe.
Sujet subordonné, sujet assujetti ? A l'ordre social, au désir de l'autre, à l'autre
Sujet de sa majesté, sujet d'un pays, sujet du verbe
Le Verbe !
Liberté ? Quelle liberté au sein d'un assujétissement aussi prégnant ?
Comment se battre, se débattre dans ce contexte ?
L'homme est un animal social qui a besoin de l'autre, pour vivre, penser, se reproduire, pour être
Pour être un sujet.
Le sujet est toujours le sujet d'un autre sujet, l'autre d'un autre, nous sommes toujours l'autre de quelqu'un.
Lien social ?
Quelles libertés alors ?

*Sartre, Flaubert, Préface p.7 Brigitte Dusch, historienne, psychanalyste, exploratrice urbaine Crédit photo @brigittedusch

mardi 30 janvier 2024

Solitaires, solitudes


Sie sagt

"Je suis une solitaire, voyez vous, non que je l'ai souhaité mais la vie a choisi pour moi. C'est difficile la solitude, on s'habitue. Enfin non, pas vraiment, jamais. 
Etre seul c'est n'avoir que soi, soi en face de soi chaque jour que nous offre l'Eternel qui nous a laissé là, seul avec notre chagrin.
Je crois en lui, mais il est injuste parfois... j'aurai aimé ne pas être seule, solitaire.
C'est un poids terrible que la solitude"

Il confie

"Je suis tout seul à présent, elle est partie trop vite ma femme, on n'a pas eu le temps de profiter, de vivre un peu. Alors je reste là dans cette maison que nous avons construite. C'est pas facile tous les jours, je m'habitue (silence) non, pas vraiment car je pense à notre vie à chaque fois que je mets la table, je ne la mets plus ; une assiette, ça ne ressemble à rien... La vie est courte, j'attends."


Entre deux sanglots

"J'ai perdu mes enfants, ensemble presque, je les ai élevé tout seule comme maman qui a perdu mes deux frères elle aussi d'un coup, ensemble, ma grand mère avait perdu ces 4 fils à la guerre 14,  il y a leur nom sur le monument du village. Nous sommes maudits, cette famille ne doit plus avoir d'enfant. Je suis seule au monde, maintenant
Dites moi pourquoi"

Elle chuchote

"Mon bébé est mort, je ne sais pas pourquoi, mort subite du nourrisson ils m'ont dit, je n'ai pas compris, ça arrive il parait on ne sait pas pourquoi, tout allait bien il était si beau, mais il est mort, comme ça, tout petit, il n'a pas eu le temps de vivre, c'est injuste, je me sens si seule, je n'ai plus rien, je suis vide...
Vide de bras... il n'y a plus rien vous comprenez, plus personne à nourrir à endormir à embrasser, je voudrai mourir."

Il soupire

"J'aurai du rester là bas, d'ailleurs j'y suis toujours, vous, vous savez, on y va de temps en temps quand je peux vous raconter,  je suis à moitié mort là bas dans ce merdier,  et cette moitié que vous avez devant vous, c'est vide, c'est deux moitiés à moitié mortes, je dis des conneries... silence.
Je suis seul avec le manque, la peur les cauchemars, les odeurs, la mort, je suis la mort, je suis seul avec ma mort, on joue à la roulette russe, j'aimerai qu'elle m'emporte"

Elle parle

"Je suis seule, le matin lorsque je me réveille, puis quand je mange, quand je sors, quand je rentre, il n'y a personne, je suis seule, le soir, toujours et on recommence, cela fait cinq années que ça dure, que mon mari est mort, cinq ans que je ne vois plus personne, vous de temps en temps, pour parler de ma solitude, car avec les autres je suis polie, je ne dis rien, il faut aller bien pour croire que de temps en temps je ne suis pas seule. L'illusion pour vivre !'

Paroles de patients
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch

mercredi 3 janvier 2024

La Bâtarde



On la disait étrange, enfant elle ne ressemblait à rien, ni à personne.
Elle !
Elle l'étrange étrangère dont on ne sait que faire
Mais qu'on n'a pas vraiment oser abandonner
On la met au ban, à la marge de la famille, de la société et de la vie, on la cache un peu, enfant de la honte, il ne faut guère la montrer.
Pourtant elle s'accroche
C'est que les bâtards ont le goût de la vie, 
Ils s'y accrochent et se battent car ils savent qu'ils doivent être mille fois meilleurs que les autres
Les légitimes, les voulus, les gâtés
La Bâtarde a décidé de vivre, abandonnée sauf par quelques uns qui soient ont eu pitié, ou simplement aimaient les délaissés
Elle ne saura jamais


Le bâtard a cette intelligence de saisir ce qui peut l'aider à vivre, à mettre en place des solutions de survie.
Pas d'autre choix que d'être mille fois plus fort que les autres s'il veut réussir. 
Tous ses sens se mettent en éveil il découvre très vite sa différence, ce qui fait de lui l'autre dont on ne veut pas, ou pas vraiment ; le malgré lui, le malgré eux ;le malgré tout
Il est là, occupe la place qu'il n'a pas qu'on ne lui donne pas
Il n'a pas d'autre choix que de la prendre, la saisir, la revendiquer s'il ne veut pas être une victime
Il est arrivé là malgré tout, au hasard, pas voulu, pas désiré mais il est arrivé plus ou moins malmené par la vie, par la mère, par un père qui n'est pas le sien ! mais qui est vraiment le père ? Nul ne saurait vraiment savoir, même s'il l'affirme


La Bâtarde ne peut nier, elle ne ressemble à personne
Mais qui est-elle cette enfant ? de qui a t-elle les yeux ? Ce petit monstre aux cheveux blancs et à la peau si pâle ?
Mais de quel coin de l'Enfer a t'elle été jetée ?
Jetée en pâture à la vindicte des bien pensants, de cette famille hypocrite qui lui laisse penser qu'elle est tout en lui disant qu'elle n'est pas
Quels parents ? D'où vient-elle ?
Elle cherche, l'enfant souffre aimerait savoir, aimerait aimer, mais ne sait pas qui, s'accroche à l'adulte qui lui donne quelque affection, avant de réaliser qu'elle n'est pas, qu'il n'y a rien
La Bâtarde a de la chance elle est intelligente, elle est bonne élève et fait la gloire de cette famille infecte dont elle devient le phallus, celle qui est née de la faute pourrait-elle racheter les fautes de ces ingrats, de ces mauvais, de ces diables ?
Elle a compris très vite qu'elle pourrait sauver sa vie, se sauver en donnant du sens à l'existence


Et tu choisiras la vie


Elle comprend ça, s'accroche, la Survivante trouve en le savoir le chemin qui la mènera non à Dieu qu'elle ne connait pas mais à la vie qu'Il a demandé à ses enfants de choisir. Elle a choisi son camp
Elle aimera la vie tout simplement.

La faute ne s'effacera jamais, toute sa vie elle restera au ban, dépouillée, oubliée elle ne sera pas même prévenue de la maladie, de la mort de ceux qui ont été de mauvais parents tout en essayant d'être bons peut-être ?
La comédie ayant assez durée elle décide de tenir la parole qu'elle a donnée à l'enfant qui a tant souffert.


Car de la souffrance elle en a essuyée, rejets, moqueries, violences, insultes.  La haine, le mépris elle sait ce que c'est. Elle n'oublie rien même lors de Kippour elle n'y arrive pas ; personne ne lui a même demandé pardon.

Quand elle se retourne sur sa vie, elle se dit qu'elle s'est bien battue, qu'elle a réussi et qu'elle est debout, qu'elle a vaincu la haine, qu'elle n'a jamais baissé les armes même au milieu des larmes et des sanglots elle ne s'est jamais agenouillée, elle n'a jamais cédé. Elle est fière d'elle. Elle a tenu.

Alors elle est revenue, revenue sur la terre de la haine, sur les lieux des tragédies et de l'abandon, elle se joue de tout et refait le chemin à l'envers
L'heure des comptes et des contes a sonnée.


Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch



Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Nota bene

Ce blog relate des bribes, des vies en respectant l'anonymat, ce l'éthique et la déontologie de ma fonction
Les événements, initiales, lieux, histoires... sont modifiés.

Il s'agit d'illustrer des situations, un concept, une problématique, un questionnement donnant lieu à une réflexion.
Ainsi toute ressemblance, similitude serait donc purement fortuite.

Vous étes venus

compteur visite blog

map