Alors je me suis mise au travail, pour tenir ma promesse. Je suis de ceux pour qui la parole a un sens, comme toi, nous sommes des êtres de devoir. Cette promesse, que je t'ai faite, assise devant toi, dans ce chemin en cette fin de journée d'été. Tu te souviens n'est-ce pas, celle que je t'ai faite, là à Soupir où je suis allée te retrouver.
Là, en ce moment je peux prendre la plume, te parler, ça va à peu près, je ne pleure pas, pas encore. Je peux mettre les mots, te raconter, même si je suis certaine que tu le sais.
Sacha m'a demandé, où tu étais, comment c'était, je lui ai répondu, montré les photos. il était ému, comme moi. Je lui ai dit aussi que tu m'avais tenu la main, lorsque je suis descendue du plateau de Californie, moi qui ai le vertige, je n'y avais même pas pensé, mais je ne voulais pas te décevoir peut-être ? J'aurai eu honte de me plaindre. Tu étais là, prés de moi, et je n'ai pas eu peur.
Voilà Gustave où nous en sommes, je reconstitue pour écrire l'histoire, la tienne et celle des tiens, je découvre et lorsque j'en saurai un peu plus je te tiendrai au courant. Je te dirai quoi comme on dit chez nous. Mes recherches sont chaotiques, parfois il m'est impossible d'aller plus loin, je suis obligée de laisser, là, en plan, je n'y arrive pas, quelque chose bloque, me bloque, une crainte, une peur, je ne sais pas exactement, comme si je voulais, je devais prendre mon temps. Mais le temps ne l'avons nous pas ? Maintenant, est-ce urgent ? Comme si je voulais bien faire, aussi, une recherche de perfection, mon plus grand défaut, ma plus grande qualité aussi quand j'arrive à trouver le juste milieu, le raisonnable.
Gustave tu occupes mes pensées souvent, je ne sais pas vraiment pourquoi, si loin tu m'es pourtant si proche. Je me pose tant de questions ? Ai-je le droit ? Dois-je faire ça ? De quel droit ? Est-ce à moi ? Mais qui d'autre le ferait ?
Tu as été un homme de devoir, je suis ainsi également, Marguerite m'a transmis ça : le sens du devoir, de l'honneur, de la parole donnée. Alors je poursuis le chemin qui me conduira au plus près de toi, nous y allons doucement Sacha et moi, à notre rythme, pas de la même manière, mais nous y allons, nous allons à ta rencontre, nous allons vers ton histoire pour l'écrire, la mettre en mots, pour que nul n'oublie. C'est notre devoir, bien maigre consolation… J'en conviens
Il me faut bien poster aujourd'hui cette lettre, écrite il y a longtemps, depuis tant de choses se sont passées, et tu le sais car tu en es sûrement à l'origine, rien de se perd dans l'Univers, rien ne se dilue vraiment.
Il me faut bien poster cette lettre, ces mots ont été les miens à cet instant.
Brigitte Dusch, psychanalyste, historienne
Crédit photo @brigittedusch collection privée